C’est les pieds dans la paille, dos à deux imposantes vaches normandes exposées au Salon de l’agriculture, que Marine Le Pen a versé, mercredi 28 février, quelques tonnes de fumier sur les relations entre le Rassemblement national (RN) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), son allié outre-Rhin. En deux phrases, la cheffe de file de l’extrême droite française a fait comprendre à son homologue Alice Weidel ce qu’elle pensait de ses explications, transmises sur papier à en-tête, au sujet de la polémique suscitée par une réunion à laquelle ont participé plusieurs cadres de l’AfD et lors de laquelle fut évoqué un plan massif de « remigration » : « D’abord, permettez-moi de vous dire que j’ai moyennement apprécié de retrouver [cette lettre] dans la presse avant même de l’avoir reçue. Deuxièmement, il m’apparaît qu’il y a encore un certain nombre de questions qui restent en suspens. »
La déclaration, d’un ton qui ne dissimulait rien du degré d’irritation de Marine Le Pen, semble compromettre la réconciliation entre les deux partis. Ces derniers jours, le RN renvoyait à un futur bureau exécutif sa décision de maintenir ou non l’alliance avec l’AfD, dont l’extrémisme a suscité des manifestations d’ampleur inédite en Allemagne au cours des dernières semaines.
A l’origine de cette mobilisation, un article paru le 10 janvier sur le site d’investigation allemand Correctiv, révélant la tenue d’une réunion secrète, le 25 novembre 2023, à Potsdam, près de Berlin, où des cadres de l’AfD se sont retrouvés avec des représentants de la mouvance néonazie pour discuter d’un projet d’expulsion à grande échelle visant des étrangers et des Allemands d’origine étrangère.
Présenté par Martin Sellner, fondateur du Mouvement des identitaires d’Autriche et figure influente des droites radicales germanophones, ce plan de « remigration » nécessiterait des « lois sur mesure » afin de « mettre sous forte pression » les « citoyens allemands non assimilés ». Pour être mis en œuvre, il aurait besoin d’un « Etat modèle » en Afrique du Nord, où seraient « déplacées » jusqu’à deux millions de personnes, parmi lesquelles « des individus qui aident les réfugiés en Allemagne ».
Une rencontre à Paris
Les explications de l’AfD sur cette réunion, transmises sous forme de lettre à la presse, mardi 27 février, devraient être analysées par le RN lors d’un prochain bureau exécutif. Bien que n’étant plus présidente du parti ni membre du groupe au Parlement européen, Marine Le Pen semble toutefois avoir déjà fait l’évaluation d’une missive qui se contente de pointer une prétendue manipulation journalistique et des erreurs de traduction. Sans renier le principe d’une « remigration », Alice Weidel y assure que ce terme « signifie simplement l’application des lois existantes en Allemagne et est, chez [eux], lié également à l’aide sur place dans les pays d’origine ».
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