Dans les couloirs feutrés de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), l’évocation de Pierre-Yves B. suscite un certain malaise. Comment expliquer pourquoi la reconversion dans le privé en 2021 de cet ancien conseiller ministériel à la transition écologique a fait l’objet de trois avis contradictoires successifs, jusqu’ici restés confidentiels ? D’autant que le dernier – qui valide de manière laconique sa reconversion – est intervenu en janvier 2023… Soit moins d’un mois après le deuxième avis, qui s’opposait à cette mobilité et détaillait sur cinq pages la « fraude » qu’aurait commise l’ex-conseiller en omettant de déclarer « une part substantielle des liens qu’il avait régulièrement entretenus avec [l’entreprise] dans le cadre de ses fonctions publiques ».
« Il ne nous est pas possible de commenter ce dossier », indique au Monde la Haute autorité. Me Rémi Lorrain, qui a accompagné Pierre-Yves B. à l’occasion du recours qui a abouti au troisième avis, assure pour sa part que les réponses qu’il a apportées à la HATVP « ont permis de rappeler le caractère générique des échanges intervenus entre [son client] et [l’entreprise qu’il a rejointe]. Ces observations ont [aussi] permis de démontrer [sa] bonne foi et [sa] transparence (…) vis-à-vis de la HATVP lorsqu’il a quitté ses fonctions ».
Les tribulations professionnelles de Pierre-Yves B. ont pourtant éveillé l’intérêt de la justice. Selon les informations du Monde, le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire du chef de « prise illégale d’intérêts », ou « délit de pantouflage », le concernant en février 2021. De multiples échanges, non déclarés à la HATVP et ayant trait à la fabrique de la loi, entre Pierre-Yves B. et l’entreprise qu’il a rejointe, ont été découverts à cette occasion – suscitant les interrogations du PNF quant à un possible conflit d’intérêts dissimulé.
Départ du cabinet ministériel en 2020
Au-delà du cas individuel, l’affaire Pierre-Yves B. illustre les tâtonnements de la HATVP autour des questions de reconversion des agents publics dans le privé. Une pratique légale, tant qu’elle ne donne pas lieu à des échanges de bons procédés. Mais comment s’assurer, à partir d’une simple déclaration, qu’un conseiller ministériel n’a pas obtenu des inflexions législatives en faveur d’une entreprise en vue de s’assurer une place confortable à sa sortie de cabinet ? Et comment garantir qu’une fois passé dans le privé, l’ancien conseiller n’usera pas de son entregent ministériel pour obtenir des décisions favorables à son nouvel employeur ?
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