Quand les drones ukrainiens ont commencé à s’abattre sur les installations pétrolières russes en début d’année, Kiev s’est d’abord attiré un rappel à l’ordre sans détour de la part de son allié américain. Moins d’un mois après la première frappe, survenue le 20 janvier au terminal Novatek d’Oust-Louga, dans l’oblast de Leningrad, Kamala Harris, vice-présidente des Etats-Unis, en adressait un premier en privé à Volodymyr Zelensky, à l’occasion de la conférence sur la sécurité de Munich, a raconté le Washington Post.
L’avertissement a été renouvelé depuis, notamment lors de la visite surprise à Kiev du conseiller de la Maison Blanche à la sécurité nationale, Jake Sullivan, le 20 mars. Trois jours plus tard, une raffinerie de l’oblast de Samara, située à un millier de kilomètres de la frontière, était à son tour endommagée. Le 9 avril, le secrétaire à la défense réitérait plus explicitement l’appel à la retenue. Devant la commission des forces armées du Sénat, Lloyd Austin disait redouter une hausse des cours mondiaux malvenue à l’approche de l’élection présidentielle américaine et invitait ses alliés ukrainiens à se focaliser plutôt sur des cibles militaires.
Trois jours plus tard, Kiev lui adressait une fin de non-recevoir. L’armée ukrainienne a « non seulement le droit mais le devoir de détruire les infrastructures » russes qui participent à l’effort de guerre, a rétorqué Mykhaïlo Podoliak, chef de cabinet du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. « Autrement dit : pour que l’Ukraine obtienne des résultats militaires positifs, il est nécessaire de détruire l’infrastructure russe. La raffinerie est évidemment une infrastructure militaire », ajoutait-il. « Nous utilisons nos drones. Personne ne peut nous l’interdire », insistait quelques jours plus tard le chef de l’Etat ukrainien en personne, dans un entretien accordé au Washington Post, soulignant le fait qu’aucune arme occidentale n’était utilisée dans le cadre de cette campagne inédite de frappes en profondeur.
Désaccord stratégique
Outre ce premier désaccord stratégique dans la relation américano-ukrainienne, les réserves de Washington au sujet des raids de drones contre les installations pétrolières russes instillaient même quelques dissensions entre alliés. Sur un ton d’une fermeté inhabituelle à l’égard de Washington, Paris et Londres disaient, au début d’avril, les considérer comme des actes de légitime défense.
Depuis, non seulement les appels américains à la retenue sont restés sans effet, mais les frappes se sont multipliées. Rien qu’en mai, douze sites pétroliers russes ont été visés avec plus ou moins de succès, et vingt-sept l’avaient déjà été entre la fin janvier et la fin mars, selon le décompte de S&P Global. L’agence américaine d’analyse financière évaluait, lundi 20 mai, la réduction des capacités russes de raffinage à près d’un million de barils par jour, après la mise à l’arrêt de la raffinerie de Slaviansk-na-Koubani, dans le kraï de Krasnodar, proche de la Crimée, où six drones se sont abattus dans la nuit de vendredi à samedi, selon les autorités locales. Le site avait déjà été visé à deux reprises, le 17 mars et le 27 avril, et la production venait de reprendre. Dans la même région, un incendie s’était déjà déclaré vendredi à la raffinerie Rosneft de Touapse, qui avait, elle aussi, été récemment remise en service après une première attaque en janvier.
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