
« Allez, tous en boîte ! » Silhouettes longilignes et musclées, les chiens pénètrent un à un dans leur box de départ en aboyant. Ils savent que leur proie est proche : un lapin factice qui sera lancé à plein régime sur un rail avec un bruit de tondeuse. Les 510 mètres de piste circulaire seront parcourus en trente et une secondes, soit près de 60 kilomètres-heure. Il fait gris et venteux sur le cynodrome de Grillemont, à La Chapelle-Blanche-Saint-Martin, près de Loches (Indre-et-Loire). La juge annonce les courses de son mirador. Les chiens sont libérés. « Fonce, Soprano ! » « Pokémon, lâche rien ! » : hurlent leurs maîtres en espérant les galvaniser. « Vu sa morphologie et sa nature, le lévrier est un chien qui a besoin de courir en poursuivant sa proie. Nul besoin de cri ni de cravache », explique Alain-Simon Vermot, président du Club des lévriers de sport de Touraine.
La France compterait actuellement vingt mille lévriers en âge de courir : parmi eux, aucun ne chasse – la pratique de la chasse à courre avec lévriers est interdite depuis 1844 – et à peine trois cents fréquentent les sept cynodromes encore en activité. Car le sport britannique, qui s’est développé en France dans les années 1960, est en perte de vitesse. Ce dimanche de mars, seuls trente-cinq chiens sont inscrits aux épreuves.
Venu de Clermont-Ferrand, Didier Fournier, la cinquantaine, porte une tunique rouge assortie à celle de son animal, un greyhound, race anglaise réputée pour sa vélocité et son agilité, véritable formule 1 canine qu’il ravitaille de légumes le matin et de quelques croquettes le soir. « Il n’y a pas que la vitesse qui importe. Il faut que le chien sache se placer et qu’il n’ait pas peur des bousculades. C’est tout un travail. » Pour se qualifier au championnat de France racing, prévu les 4 et 5 mai à Montauban, sa chienne doit valider trois courses officielles à travers le pays. Derrière lui, Gaëtan Marand, 20 ans, est soudeur de matériel agricole et pompier volontaire. Sa vieille voiture est tapissée de stickers à l’effigie de ses champions : trois whippets noirs – plus petits que les greyhounds. « Grâce à eux, le week-end, je deviens coach de sportifs de haut niveau. »
Disqualifié pour manque de « fair-play »
Pascal et Anne Aubert s’agitent sur la piste pour récupérer les déjections de leurs athlètes à poils. « On a deux championnes de France et un Lévrier d’or en Belgique, précise Anne Aubert. Ce matin, l’un d’eux a été disqualifié pour avoir trop aboyé sur un rival. » « On va dire qu’il a manqué de fair-play », dit son époux. Ces chiens font partie de leur famille. « Quand on a pu acquérir une maison, en 2009, mon mari m’a offert un lévrier pour notre 10e anniversaire de mariage. Désormais, on en a sept, qui vivent en liberté, dorment sur le canapé et parfois nous chassent du lit conjugal », s’amuse Anne Aubert.
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