La disparition des juges permettrait-elle de dissiper les maux de la société française ? A entendre certaines péroraisons condamnant leurs actions, il est permis de se demander si d’aucuns ne rêvent pas d’une telle éclipse. Il n’aura pas fallu patienter plus de cent heures après le décès de Robert Badinter et la célébration de son legs républicain pour observer les contempteurs zélés de la justice se ruer sur la décision rendue, le 13 février, par le Conseil d’Etat en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information.
Saisi par l’association Reporters sans frontières, le juge administratif suprême a ainsi estimé que, pour apprécier le respect par une chaîne de télévision du pluralisme de l’information, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) devait considérer la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés en ne se bornant pas à comptabiliser le temps d’intervention des personnalités politiques, mais en étendant son analyse aux propos tenus par les chroniqueurs, animateurs et invités.
Le recours engagé contre la décision du 5 avril 2022 de l’Arcom, rejetant la demande de l’association, laquelle souhaitait qu’il soit adressé une mise en demeure à l’éditeur du service de télévision CNews, a donné lieu à la publication par le Conseil d’Etat d’un acte juridictionnel immédiatement voué aux gémonies par une kyrielle d’intervenants qui ne se distinguent guère par leur impartialité et leur pondération.
Magistrats prétendument politisés
Si chaque citoyen est naturellement en droit d’exprimer une opinion quant à une décision de justice, il ne peut toutefois le faire dans n’importe quelles conditions dès lors qu’est interdit – et pénalement sanctionné – par l’article 434-25 du code pénal le fait de « chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance ». Voilà l’exemple-type d’une disposition légale assurant la conciliation entre un droit constitutionnel – la liberté d’expression – et des exigences d’ordre public sans lesquelles la cohésion sociale ne peut être assurée.
Que penser dès lors des propos morigénant le Conseil d’Etat ainsi que ses magistrats prétendument politisés, lesquels souhaiteraient faire échec à la volonté populaire et s’arroger un pouvoir confinant à l’absolutisme ? Que dire de ces remèdes merveilleux qui impliqueraient un nécessaire rééquilibrage politique au sein de cours souveraines gangrenées par l’idéologie ? Que rétorquer à ces attaques compulsives dirigées contre des personnes dépositaires de l’autorité publique qui s’échinent à appliquer la loi au quotidien ?
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