Avec dix millions d’électeurs au premier tour des élections législatives, le 30 juin, le Rassemblement national (RN) poursuit sa conquête des institutions. Il n’a cependant pas obtenu la majorité à l’Assemblée nationale, face à l’union des partis de gauche et au barrage républicain. Si le parti s’est durablement installé dans la vie politique française, les résultats du second tour, largement inattendus, témoignent d’une résistance persistante à sa normalisation. En fait, la société est très clivée : une partie de l’électorat rejette le parti d’extrême droite, jugé raciste ; une autre l’a progressivement normalisé et porte une forte défiance sur la classe politique dominante.
Longtemps, le Front national (FN) [devenu RN en 2018] a réalisé de mauvais scores aux élections à fort taux d’abstention. Ce n’est plus le cas aujourd’hui car son électorat s’est élargi à des personnes plus âgées et plus aisées. Mais le parti reste fort chez d’autres groupes sociaux, en particulier chez les ménages populaires non racisés issus des territoires périurbains. Confrontés à la précarisation et à l’individualisation de leurs parcours professionnels, ainsi qu’à la dégradation des services publics, ils sont en quête de reconnaissance et de valorisation.
L’attrait du RN chez ces populations n’est pas nouveau. Il renvoie à des dynamiques engagées dès les années 1980. Depuis cette période, les politiques du logement ont transformé les espaces résidentiels des catégories populaires et moyennes. La propriété individuelle a été encouragée pour ceux qui en avaient les moyens, et l’habitat social s’est vu dévalorisé.
Disqualification des banlieues
En parallèle, certains territoires éloignés des métropoles régionales ont été confrontés à la désindustrialisation et au déclin des services publics, quand d’autres connaissaient l’essor de plates-formes logistiques, pourvoyeuses d’emplois locaux. D’où l’installation de nouveaux ménages dans le périurbain, dans un contexte de disqualification des banlieues et de hausse des prix de l’immobilier dans les grandes villes.
Pour autant, l’accès à ces espaces résidentiels est très inégalitaire : dans le périurbain, de nombreux élus locaux refusent la construction de logements sociaux ou bien les réservent uniquement à des ménages résidant déjà dans la commune. Les élus et les habitants souhaitent peser sur les profils des nouveaux arrivants, pour préserver l’image et la respectabilité du territoire. Et, de fait, ils jouent un rôle incontournable pour qui veut faire construire ou acheter une maison, puisqu’ils maîtrisent l’information sur les biens et les terrains en vente.
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