Peut-on imaginer sujet plus macronien ? Les revendications des agriculteurs français oscillent, depuis cinquante ans, entre défense de la souveraineté et liberté de commercer, entre protection et exportations. « Produire et protéger », a résumé le premier ministre, Gabriel Attal, jeudi 1er février : un « en même temps » qui résume toute la difficulté du traitement de la question agricole pour les pouvoirs publics.
« Il y a toujours un double langage, observe l’ancien député macroniste Jean-Baptiste Moreau, agriculteur en reconversion. Les Républicains dénoncent aujourd’hui les accords de libre-échange en France, mais les ont tous votés à Bruxelles ! » De la même façon, « l’accord de libre-échange avec le Canada [CETA] a été signé sous François Hollande avant d’être voté par l’actuelle majorité », rappelle-t-il.
Si la France régresse comme puissance agricole dans les classements internationaux, elle demeure néanmoins largement exportatrice, avec un excédent commercial de plus de 9 milliards d’euros en 2022 en matière agricole, un record depuis dix ans. Et les agriculteurs, qui dénoncent ces jours-ci la concurrence étrangère déloyale, sont souvent eux-mêmes demandeurs de textes leur facilitant l’accès à de nouveaux marchés, comme la Chine pour les éleveurs de porc français.
« C’est clair, c’est net, c’est ferme »
L’ambiguïté se retrouve aussi chez les macronistes, tiraillés entre leur discours proeuropéen, le rationnel économique des accords de libre-échange, leurs effets collatéraux sur une partie des agriculteurs, la nécessité de répondre aux tensions sur le pouvoir d’achat, auxquelles des produits bon marché importés sont parfois plus susceptibles de répondre, et une opinion de plus en plus acquise au souverainisme. « Il n’est pas question pour la France d’accepter ce traité, a ainsi martelé Gabriel Attal à propos du Mercosur, ce traité de libre-échange entre l’Europe et plusieurs pays d’Amérique du Sud, en négociation depuis plus de vingt ans. C’est clair, c’est net, c’est ferme. »
En 2019, pourtant, alors qu’il était déjà dénoncé par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Emmanuel Macron avait salué la conclusion des discussions sur cet accord, jugeant qu’il était « bon » puisque « toutes les demandes » formulées par la France avaient été « prises en compte ». Avant de se rétracter quelques mois plus tard dans un contexte de tension accrue avec le nouveau président brésilien, Jair Bolsonaro.
La majorité se voit du même coup reprocher d’avoir voté en faveur de l’ouverture des échanges avec l’Ukraine en matière agricole à Bruxelles ou d’avoir accepté des accords commerciaux avec le Chili, le Kenya et la Nouvelle-Zélande. « S’ils avaient le moindre intérêt pour la souffrance des agriculteurs, a cinglé Marine Le Pen lors de ses vœux, le 25 janvier, ils arrêteraient de voter les accords de libre-échange qui se multiplient. » « Qui a signé, voté, des accords de libre-échange à la pelle ces dernières années au Parlement européen ? Ce sont les macronistes ! », a tempêté la députée européenne La France insoumise Manon Aubry, sur Franceinfo, le 30 janvier.
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