Alors que le gouvernement cherche à colmater la brèche ouverte dans les comptes publics, la mise en place d’une taxe sur les rachats d’actions menés par les entreprises rallie désormais un fort consensus politique. Au fil des mois, cette gymnastique financière – incompréhensible au-delà de la sphère des affaires – apparaît comme le symbole ultime des dérives d’un capitalisme financier accusé d’accroître les inégalités.
Cette pratique, très populaire à Wall Street, consiste pour les entreprises à acquérir leurs propres actions pour ensuite, bien souvent, les annuler. Cela revient, au même titre que le dividende, à rendre aux actionnaires des capitaux excédentaires : c’est l’effet « relutif », dit de façon triviale, moins d’actions en circulation veut dire moins de monde pour se partager le gâteau.
« Pendant que le gouvernement cherche 10 milliards d’euros sur le dos des chômeurs notamment, alors que les entreprises sont arrosées d’argent public comme jamais [215 milliards d’euros en 2023], les géants du CAC 40 spéculent pour enrichir leurs actionnaires en brûlant 30 milliards d’euros », s’est insurgé François Hommeril, le président de la Confédération française de l’encadrement-CGC, le 21 février sur X.
Le « cynisme » des multinationales
Près de la moitié de ce montant record émane de deux entreprises, TotalEnergies (9,2 milliards d’euros) et BNP Paribas (5 milliards). En ajoutant les 67 milliards d’euros distribués sous forme de dividendes, selon les données compilées par La Lettre Vernimmen, les entreprises du CAC 40 ont retourné au total 107 milliards d’euros à leurs actionnaires en 2023, au titre des bénéfices réalisés en 2022. Pour 2024, de nouveaux programmes de rachats d’actions sont déjà prévus, chez Stellantis, Michelin ou TotalEnergies.
En mars 2023, déjà, en plein tumulte sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron, lui-même, avait lancé la charge contre le « cynisme » des multinationales « qui font des revenus tellement exceptionnels qu’elles en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions ». Et le président de la République de plaider alors en faveur d’une ponction pour que les « travailleurs puissent profiter de cet argent ».
Cette sortie présidentielle avait fortement irrité les grands patrons à l’image de Bernard Arnault, le PDG de LVMH qui avait un temps suspendu les tractations pour rejoindre le rang des « partenaires premium » de Paris 2024. A l’automne, lors des discussions sur le projet de loi de finances 2024, des amendements pour taxer « superdividendes » ou rachats d’actions avaient fleuri, mais Bercy avait résisté, affirmant vouloir respecter la promesse de ne pas augmenter les impôts.
Il vous reste 55.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.