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L’hypothèse Gaïa, itinéraire d’un regard sur la Terre

by Marko Florentino
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Notre XXe siècle compte un Galilée oublié. Oui, vous avez bien lu. Et l’affirmation ne vient pas d’un obscur disciple, mais d’une sommité de la pensée écologique : le philosophe Bruno Latour en personne. Ce Galilée contemporain se nomme James Lovelock, chimiste britannique disparu en 2022, à 103 ans. « A la Terre qui se meut de Galilée, pour être complet, il fallait ajouter la Terre qui s’émeut de Lovelock », s’émerveillait Bruno Latour, non pas dans un post de réseau social, mais dans son grand livre de réflexion écologique Face à Gaïa (La Découverte, 2015).

D’un même geste, il y célèbre comme visionnaire cet ingénieur sulfureux et impose au cœur de la pensée contemporaine l’objet curieux qu’est Gaïa, dont le succès est à la mesure des controverses qu’il suscite depuis sa formulation, il y a un demi-siècle. Dénoncée par les biologistes comme antiscientifique, l’hypothèse Gaïa a pourtant imprégné toutes les sciences de la Terre. Décriée pour la pensée réactionnaire de son auteur, elle a simultanément changé le regard sur la nature de la planète, inspirant des pensées écologiques majeures, de l’écoféminisme à celles des philosophes belge Isabelle Stengers et français Bruno Latour.

L’article fondateur paraît en 1974, dans la revue scientifique Tellus. James Lovelock le signe avec Lynn Margulis (1938-2011), microbiologiste américaine avec qui il mettra au point son hypothèse. « L’ensemble total des organismes vivants qui constituent la biosphère peut agir comme une seule entité pour réguler la composition chimique, le pH en surface et possiblement le climat », formalisent les deux chercheurs.

Aussi simple dans sa formulation qu’incalculable dans ses implications, leur vision propose une autre façon de concevoir la planète Terre et la vie qu’elle abrite. Tout part d’un renversement de perspective. A leurs yeux, la surface de la Terre n’est plus peuplée d’une multitude d’espèces, mais constituerait une totalité formant un système aux propriétés qui ne peuvent se résumer à l’addition de ce qui la compose. Comme si la vie formait une gigantesque créature qui se déploierait à travers la biosphère, l’atmosphère, les océans et les sols, et aurait façonné la Terre pour la rendre propice à son existence.

L’intuition de cette vaste « créature vivante » leur vient de trois observations. Biologique : les êtres vivants ne peuvent vivre que dans des conditions physico-chimiques très précises (pH, température, composition de l’atmosphère…), en dehors desquelles la vie disparaîtrait, et qui persistent depuis plusieurs milliards d’années. Géologique : la vie a modelé en profondeur son environnement terrestre, suggérant que la biosphère forme une « machine trop puissante » pour être seulement passive. Climatique : plusieurs exemples laissent penser qu’une régulation a permis d’amortir des conditions qui auraient pu éteindre la vie – comme la moindre luminosité initiale du soleil, laquelle ne s’est pas traduite par une glaciation massive. Pour Lovelock et Margulis, tout converge donc pour supposer l’existence d’un méga-organisme qui aurait permis à la vie une stabilité défiant les milliards d’années.

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