
Une fois de plus et comme très souvent, John Textor était sorti de son rendez-vous confiant. Présent dans les bureaux de la Ligue de football professionnel (LFP), mardi 24 juin en fin d’après-midi, pour présenter le budget de l’Olympique lyonnais (OL) pour la saison 2025-2026 à la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), l’homme d’affaires et propriétaire du club rhodanien s’était félicité : « Je pense que tout s’est remarquablement bien passé. »
Comme à la mi-novembre 2024, lorsque le gendarme financier du football français avait émis les premières sanctions en guise d’avertissement à l’OL, c’est manifestement une divergence de vues qui sépare encore l’instance du dirigeant américain. Dans un communiqué publié en début de soirée rapportant les décisions de la DNCG, la LFP a annoncé la rétrogradation administrative du club en Ligue 2, sans en préciser les raisons, confirmant ainsi la mesure qu’elle avait prise à l’automne à titre conservatoire.
Pour l’instance, qui transmettra les motivations de sa décision à l’OL par courrier, il n’y a cependant pas de mystère : celle-ci n’a pas été convaincue par le business plan défendu par John Textor et Michael Gerlinger, directeur du football d’Eagle, la maison mère de l’OL. Au-delà de l’optimisme de façade régulièrement affiché par le président lyonnais, cette sanction est un véritable choc pour le club rhodanien et ses supporteurs : depuis plusieurs semaines, la tendance était plutôt, au regard des faits, à une issue positive.
L’OL avait, en effet, réuni les 175 millions d’euros requis par la DNCG en novembre, quand celle-ci l’avait rétrogradé dans l’antichambre de la Ligue 1 à titre conservatoire, en plus d’encadrer son recrutement et sa masse salariale. Depuis lors, les dirigeants lyonnais et ceux de l’instance s’étaient rencontrés plus d’une dizaine de fois au cours de la saison pour clarifier les attentes de part et d’autre, ce dont se félicitait encore John Textor, mardi après-midi, au sortir de l’audience.
Des fondations fragiles
Avec plusieurs ventes, une injection de 83 millions d’euros dans les comptes de l’OL au mois de janvier, un allégement important de sa masse salariale et des restructurations en interne, le club abordait avec un optimisme prudent ce rendez-vous crucial pour son avenir. Les liquidités issues de la vente des parts de John Textor dans le club anglais de Crystal Palace (44,9 %) – plus de 200 millions –, annoncée lundi, devaient également rassurer la DNCG.
Mais cette dernière n’a pas validé le plan présenté par Lyon, peut-être échaudée par certaines promesses non tenues – l’introduction en Bourse aux Etats-Unis du groupe Eagle se fait toujours attendre – ou sur le tard, comme la cession des parts de Crystal Palace. Avec ce verdict, l’instance envoie certainement un message à John Textor et le modèle de multipropriété – l’Américain détient plusieurs clubs à travers le monde – que celui-ci tente de développer.
Durant la saison, l’homme d’affaires avait critiqué à plusieurs reprises la DNCG, arguant du fait que celle-ci ne comprenait pas ses méthodes. Une affirmation écartée du revers de la main par Jean-Marc Mickeler, président du gendarme financier du football français, qui a certainement jugé, avec ses collègues de l’instance, les fondations du club rhodanien fragiles : le 31 mars, Eagle Football Group affichait des résultats financiers très inquiétants, avec un endettement de 540 millions d’euros, contre 463 millions six mois plus tôt, une trésorerie divisée par deux sur la même période et un résultat net déficitaire de 117 millions.
Au regard de la situation et du statut dans le football français de l’OL, qui possédait lors de la saison 2024-2025 le troisième plus gros budget du championnat (estimé entre 220 millions et 250 millions d’euros), plusieurs observateurs imaginaient le club rhodanien too big to fail (« trop gros pour faire faillite »). Autrement dit, trop important pour subir une rétrogradation en Ligue 2. La décision de mardi a prouvé le contraire.
L’OL va faire appel
Déjà visé en 2023 par la DNCG – encadrement du recrutement et de la masse salariale –, l’OL subit cette fois une sanction d’un tout autre niveau, alors que le club était pensionnaire de Ligue 1 depuis 1989. Celle-ci tombe cruellement une semaine jour pour jour après le décès de Bernard Lacombe, dont les obsèques auront lieu mercredi, grand artisan de la remontée de Lyon dans l’élite et des sept titres nationaux remportés entre 2002 et 2008.
Dans la soirée, l’OL a annoncé dans un communiqué prendre « acte de la décision incompréhensible rendue par la DNCG » et annoncé qu’il « fera appel pour démontrer [sa] capacité à apporter les ressources nécessaires en termes de trésorerie pour garantir le maintien de l’OL en Ligue 1 ». Cet appel peut être formé devant la commission d’appel de la DNCG fédérale, rattachée à la Fédération française de football (FFF). En janvier, cette dernière avait rejeté un premier recours déposé par Lyon au sujet des sanctions prises à son encontre en novembre.
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« Au cours des derniers mois, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la DNCG, satisfaisant toutes ses demandes avec des investissements en fonds propres supérieurs aux montants demandés. (…) Avec des fonds démontrés et un succès sportif qui nous a valu une place en compétition européenne deux années de suite, nous ne comprenons sincèrement pas comment une décision administrative a pu reléguer un si grand club français », dit, par ailleurs, le communiqué de l’OL.
Le club détenu par John Textor depuis décembre 2022 n’est peut-être pas encore au bout de ses peines : l’instance de contrôle financier des clubs (ICFC) de l’Union des associations européennes de football (UEFA) examine depuis de longs mois sa situation financière et doit annoncer de potentielles mesures à son encontre au début du mois de juillet.
En discussions régulières avec ceux de la DNCG, les membres l’ICFC pourraient à leur tour se montrer sévères. Sixième de la Ligue 1 à l’issue de la saison et qualifié pour la prochaine Ligue Europa, l’OL peut craindre une exclusion des Coupes d’Europe. En décembre, le club rhodanien avait subi pareille sanction, à titre conservatoire, en provenance de l’UEFA. Si l’histoire venait à se répéter, c’est une deuxième décision lourde de conséquences qui frapperait l’ancienne formation de Jean-Michel Aulas.