En appelant à de grandes manifestations au Venezuela et dans plus de 300 villes à l’étranger, samedi 17 août, l’opposition vénézuélienne souhaite « continuer la bataille » contre la réélection contestée du président, Nicolas Maduro, selon les mots de sa cheffe, Maria Corina Machado.
« Nous n’abandonnerons pas la rue », a lancé face à des milliers de partisans réunis à Caracas Mme Machado qui vit dans la clandestinité depuis une quinzaine de jours. Appelant ses soutiens à agir « avec intelligence, avec prudence, avec résilience, avec audace », la cheffe de l’opposition a estimé que « la contestation pacifique est notre droit ».
« La voix du peuple se respecte. Le monde entier et tout le Venezuela reconnaissent que le président élu est Edmundo Gonzalez Urrutia », le candidat de l’opposition, a aussi affirmé Mme Machado, vêtue de son traditionnel haut blanc et juchée sur la plateforme d’un camion. « Liberté », « Jusqu’au bout », a crié la foule à son arrivée. Beaucoup brandissaient des drapeaux du Venezuela ou des copies des « procès-verbaux » de bureaux de vote, dont l’opposition et une partie de la communauté internationale réclament la publication. Aucun incident n’a été signalé alors qu’un important dispositif sécuritaire avait été déployé. Les manifestants ont ensuite entonné l’hymne national avant de se disperser.
M. Gonzalez Urrutia, qui n’a pas été vu publiquement depuis le 30 juillet, n’était pas présent. « Nous avons les votes, nous avons les procès-verbaux, nous avons le soutien de la communauté internationale et nous avons des Vénézuéliens déterminés à se battre pour notre pays », a-t-il toutfois écrit sur X.
Dans la soirée, des ONG de défense des droits humains et l’opposition ont dénoncé l’arrestation samedi de deux cadres de l’opposition, d’un prêtre et d’un avocat lors d’incidents distincts.
Le camion des meetings de l’opposition confisqué
A l’issue du rassemblement à Caracas, le camion à toit ouvert modifié que l’opposition vénézuélienne utilisait pour ses meetings a aussi été confisqué. Des membres de l’équipe de campagne de l’opposition ont publié une photo du véhicule – utilisé depuis des mois dans le cadre de la campagne électorale – accroché à un camion de la fourrière de la police nationale. « Le régime a volé le camion (…) pour des événements et des mobilisations dans tout le pays », a écrit l’opposition sur X. « Ils ne pourront pas nous empêcher de continuer à descendre dans la rue ! »
Devenu célèbre, le camion comporte une plateforme surélevée qui servait de scène lors des rassemblements. Il est décoré de deux photos géantes de la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado et du candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, avec sur ses côtés la mention « Le Venezuela a gagné ». Le pouvoir sanctionnant les entreprises travaillant avec l’opposition de fermetures ou de redressements fiscaux et amendes, le camion était une solution trouvée par l’opposition pour ne pas avoir à louer de scènes et de haut-parleurs, tout en disposant d’une plateforme mobile à souhait. Samedi, Mme Machado avait utilisé ce camion afin de parler à la foule, avant de le quitter pour enfourcher une moto et disparaître. La saisie du véhicule a eu lieu après le rassemblement, lorsque « que nous étions sur le point de mettre le véhicule en lieu sûr », a souligné l’opposition. Aucune déclaration des autorités n’était disponible dans l’immédiat.
Le coup d’envoi de cette journée de mobilisation avait été donné samedi à Sydney et à Melbourne, en Australie, où des manifestants se sont rassemblés en agitant des drapeaux vénézuéliens pour protester contre le résultat de l’élection présidentielle. Des milliers de personnes se sont également réunies sur la célèbre place de la Puerta del Sol à Madrid.
En réponse à cette mobilisation, le pouvoir vénézuélien en place a également tenu une « grande marche nationale pour la paix » dans la capitale et dans plusieurs villes du pays, selon des images diffusées par la télévision publique. Lors de cet événement, Nicolas Maduro a accusé son adversaire dans les urnes Edmundo Gonzalez Urrutia de vouloir « fuir » le Venezuela. « Où se cache Edmundo Gonzalez Urrutia ? », a crié le président contesté. « A-t-il gagné ? Qu’est-ce qu’il gagné ? Peut-être une tombola pour se cacher dans une grotte. Il est dans une grotte. Et il prépare son évasion du Venezuela. Edmundo Gonzalez Urrutia prend l’argent et va à Miami », a lancé M. Maduro à la foule.
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« Ils ne pourront jamais nous vaincre, parce que nous portons en nous la force de l’histoire, la force de la patrie, la force de Dieu. Nous avons gagné », a aussi lancé M. Maduro, acclamé par des milliers de supporteurs. Il a aussi une nouvelle fois attaqué les critiques de l’étranger. « Nous n’acceptons (…) ni l’interventionnisme, ni que quiconque mette ses mains sales dans notre pays bien-aimé », a-t-il lancé, balayant les doutes sur sa réélection.
Résultats contestés par une grande partie de la communauté internationale
Le Venezuela est plongé dans une nouvelle crise depuis que le Conseil national électoral (CNE) a proclamé, au début d’août, la réélection pour un troisième mandat de six ans du président socialiste, Nicolas Maduro, contestée par l’opposition, qui dénonce une fraude et revendique la victoire d’Edmundo Gonzalez Urrutia, son candidat. Si le CNE a ratifié la victoire de M. Maduro avec 52 % des voix, il n’a pas fourni le décompte exact ni les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d’un piratage informatique.
Selon l’opposition, qui a rendu publics les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia, qui avait remplacé Mme Machado, déclarée inéligible, a remporté la présidentielle avec 67 % des voix. L’annonce de cette réélection a provoqué des manifestations spontanées, qui ont été réprimées brutalement. De source officielle, vingt-cinq personnes sont mortes, 192 blessées et 2 400 arrêtées.
Une grande partie de la communauté internationale s’est également montrée sceptique à l’annonce des résultats officiels par le CNE. L’Union européenne (UE) et 22 pays, dont l’Argentine, le Canada ou l’Espagne, ont demandé vendredi dans une déclaration commune « la publication immédiate de tous les procès-verbaux originaux et la vérification indépendante et impartiale de ces résultats, de préférence par une entité internationale ».
Au Brésil, le président Lula a également réclamé les « procès-verbaux ». « Ce que je demande pour reconnaître [le vainqueur], c’est au moins de savoir si les chiffres sont vrais », a-t-il dit. Il a estimé vendredi que le gouvernement de M. Maduro avait un « penchant autoritaire » même s’il ne considérait pas le Venezuela comme une « dictature ».