
Margot Gallimard est une lectrice passionnée, mais elle sait aussi compter. Quand elle reprend les rênes de la collection « L’Imaginaire », en janvier 2021, la dernière héritière de la dynastie Gallimard à faire son entrée dans la maison ne dénombre qu’une trentaine de femmes au sein du prestigieux catalogue. Quatre ans plus tard, sous son impulsion, plus d’une vingtaine se sont ajoutées à la collection. Elles s’appellent Renée Vivien, Rachilde ou Grisélidis Réal…
Plusieurs de ces autrices, féministes ou lesbiennes, sont aussi devenues des personnages sous la plume de Selby Wynn Schwartz, dont le roman Après Sappho (« L’Imaginaire ») a été salué au Royaume-Uni par une sélection dans la liste du Booker Prize. C’est à l’occasion de la récente parution française de ce livre, le 21 novembre, que Margot Gallimard a ouvert à M Le magazine du Monde les portes de son bureau mansardé, au premier étage des éditions Gallimard, rue Gaston-Gallimard, dans le 7e arrondissement de Paris.
Celle qui fait souffler un vent nouveau, plus féminin et plus queer, au sein de la vénérable maison est une jeune femme tatouée et mordante de 36 ans. Elle se livre avec méfiance au jeu de l’interview, visiblement inquiète de prêter le flanc à des querelles familiales dont elle sait les journalistes friands. Son arrière-arrière-grand-père Gaston a fondé en 1911 les éditions Gallimard, c’est lui qui publia Proust et Céline. Et c’est son père, Antoine, qui a repris les rênes de la maison, devenu entre-temps une holding familiale regroupant des éditeurs comme Flammarion ou P.O.L.
Deux des sœurs aînées de Margot, Charlotte et Laure, travaillent également au sein du groupe et s’occupent respectivement de la direction de Casterman et du département petite enfance de Gallimard Jeunesse. Bref, chez les Gallimard, on édite des livres en famille. Assise à son bureau, Margot n’a d’ailleurs qu’à se retourner pour montrer l’endroit où elle a grandi, l’immeuble de l’autre côté de la cour, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, le carré d’or des éditeurs.
Une « dynamique sororale »
Enfant, elle affirme une sensibilité d’artiste touche-à-tout ; elle écrit, danse, dessine et se rêve bientôt cinéaste. « Je voulais être romancière à 12 ans. Mais passer par le cinéma est aussi une manière d’écrire des histoires », dit-elle. Après un master de scénario à l’Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle, elle enchaîne les petits boulots sur les tournages, puis passe à la réalisation avec un court-métrage, Larsen (2017), primé lors du Festival international des films de femmes l’année suivante. La crise due au Covid-19 et plusieurs confinements plus tard, les financements de ses projets de films tardent à arriver et sa famille lui fait les yeux doux. « Quand vous entendez parler d’édition et de livres toute la journée, à tous les déjeuners de famille, et que par ailleurs, vous lisez beaucoup, vous commencez à vouloir en être. »
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