Lorsque Lars von Trier a touché le fond, il y a quelques mois, Matt Dillon fut l’une des premières personnes vers lesquelles il s’est tourné. « J’étais à Vienne quand j’ai reçu son appel : “Matt, ça ne va pas fort, je vais en cure de désintox, ma nana m’a plaqué…” », se remémore l’acteur américain, qui prêta ses traits et son trouble au tueur en série de The House That Jack Built (2018), le dernier film du cinéaste danois. « J’ai peint un tableau, intitulé Lars a besoin d’une nouvelle copine. Et je suis venu le lui offrir, chez lui, à Copenhague. Il l’a encadré dans son salon. Puis il m’a chargé de lui trouver une petite amie. »
L’anecdote, racontée dans la suite molletonnée d’un palace cannois, en mai, ne dit pas si la mission fut menée à bien. Elle donne la mesure, en revanche, de la confiance qu’inspire l’acteur de 60 ans, dès la première poignée de main, franche et chaleureuse : quand il s’agit de rapprocher les êtres et les cœurs, cet homme-là semble capable de déplacer des montagnes.
On a pu en faire l’expérience sur la Croisette, où il présentait Maria, de Jessica Palud, sur les épreuves traversées par l’actrice Maria Schneider (1952-2011), quelques semaines avant sa sortie en salle, le 19 juin. Sitôt qu’on lui apprend que Fernando Trueba se trouve lui aussi à Cannes, Matt Dillon remue ciel et terre pour retrouver le cinéaste espagnol, qui l’a dirigé dans son prochain film, Haunted Heart, prévu à l’automne. « J’ai tellement bassiné Fernando avec le film de Jessica… Il a connu Maria Schneider, ce serait merveilleux qu’il assiste à la première. » Et d’écrire immédiatement à Trueba, dont il a fort apprécié, dit-il, le sens du « suspense romantique ».
« Etrangeté dans le regard »
La formule sied bien à Dillon, qui sait comme personne faire passer, à l’écran, les transports de tout ordre – de la colère à l’effroi, du rire au désir… Les premières images de The House That Jack Built le montrent pénétrant de sombres forêts, au volant d’un van ; les dernières le voient traverser, un à un, les cercles de l’enfer. Le reste de sa filmographie est à l’avenant, instable, mobile et tout-terrain : loubard monté sur ressorts dans le diptyque de Francis Ford Coppola, Outsiders et Rusty James, qui l’a révélé en 1983, braqueur errant chez Gus Van Sant (Drugstore Cowboy, 1989), enquêteur transi pour les frères Farrelly (Mary à tout prix, 1998), ici cosmonaute (Proxima, d’Alice Winocour, 2019), là garagiste rongeant son frein (Asteroid City, de Wes Anderson, 2023), ses personnages ne restent jamais en place.
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