LA LISTE DE LA MATINALE
Cette semaine, un choix de lettres de l’écrivaine éblouissante de L’Art de la joie, l’Italienne Goliarda Sapienza (1924-1996), qui offrent de précieuses clés de lecture de sa vie comme de son œuvre ; le monologue ébouriffant, pétri d’une hargne jouissive, d’une vieille bique sur le point de se donner la mort pour échapper à la maladie, sous la plume d’Emmanuelle Pirotte ; un recueil d’articles dirigé par l’historien Nicolas Siron pour regarder l’Athènes classique du Ve siècle avant notre ère sous un nouvel œil, notamment à travers le prisme de l’Agora ; un essai sur l’écriture et un recueil de portraits de compatriotes, réels ou inventés, du romancier haïtien Lyonel Trouillot ; la chronique déchirée, enfin, de familles obscurcies à travers les nouvelles d’Emmanuelle Salasc.
CORRESPONDANCE. « Miroirs du temps », de Goliarda Sapienza
Née en mai 1924 à Catane, en Sicile, l’écrivaine Goliarda Sapienza, morte en 1996, aurait eu 100 ans cette année. Parmi les nombreuses parutions liées à cet anniversaire, Miroirs du temps, un florilège de sa correspondance, vient clore l’édition de son œuvre complète au Tripode. Il offre un aperçu de l’attachante épistolière que fut l’autrice de L’Art de la joie (Viviane Hamy, 2005 ; rééd. Le Tripode, 2015), ce roman-monstre qui dévora dix années de son existence et ne fut jamais publié de son vivant.
Parmi ces lettres, qui vont de 1950 à 1996, certaines sont adressées à des destinataires prestigieux comme Luchino Visconti, pour qui elle tourna des petits rôles au cinéma. A travers elles, on reconstitue les nombreuses vies de Goliarda Sapienza – au cinéma, au théâtre, en littérature –, on touche du doigt les pulsions de mort, liées entre autres aux blessures que lui inflige son roman « archirefusé », qui s’emparaient d’elle régulièrement, et l’on renaît chaque fois avec elle.
Le ton est tour à tour profond, allègre, métaphysique, désespéré, espiègle ou ironique, mais toujours coloré d’espoir. Art de la joie, légèreté de l’être, Dame Sagesse, c’est la signification de Sapienza en italien, et l’Italienne les cultive avec grâce et courage. « Pirandello riait toujours quand la salle le sifflait », note-t-elle à plusieurs reprises à la fin du roman. Fl. N.
ROMAN. « Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste », d’Emmanuelle Pirotte
La narratrice fait du ménage, mais pas celui qu’on croit. Ce qu’elle ripoline, c’est sa propre existence, afin de récurer la lâcheté, le mensonge, qui furent « les mamelles de [s]on destin ». Pour prendre à revers la maladie d’Alzheimer, elle ira voir ailleurs si elle y est : après-demain, à 20 heures, la voix qui nous engloutit sous son fiel s’autodétruira.
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