Rien n’avait bougé depuis le départ de la propriétaire en maison de retraite, trente ans plus tôt. Les bocaux de haricots verts dans les placards, le cubi de vin sur l’étagère, les vêtements rangés dans les armoires, tout était intact, jusqu’au calendrier des PTT de 1987. L’hiver où Nicolas Ferrand et sa femme récupèrent les clés de cette longère, au cœur du Morvan, les nuits sont froides, la vaisselle se lave dans le bac à douche, mais leur projet d’avoir un ancrage où souffler le week-end se concrétise.
« Cette maison, je la négocie au moment où je suis retenu par Jean Castex », se rappelle l’intéressé. C’était à l’automne 2017. Paris venait d’être désignée, en septembre, ville hôte des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. L’élu de Prades (Pyrénées-Orientales, ex-Les Républicains), futur premier ministre, est alors chargé du pilotage de l’organisation de l’événement, à la demande de l’Etat. Il lui faut quelqu’un capable de livrer, en six ans, la totalité des infrastructures nécessaires à la compétition. Soixante-quatre (soixante-dix à l’arrivée), dont deux villages et un centre aquatique.
Le fiasco des Jeux de Rio est dans toutes les têtes. Qui pour tenir les délais ? Le budget ? Sur la liste, le directeur général d’EpaMarne, Nicolas Ferrand, un « X-Ponts » (Ecole polytechnique et Ecole des ponts et chaussées), la crème des ingénieurs. A Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne), il devait relancer, ou fermer, l’établissement public d’aménagement endormi. L’homme aime construire. Il double le chiffre d’affaires, étend le périmètre, et en fait le plus gros aménageur de France en deux ans. Début 2018, il prend la tête de la société de livraison des ouvrages olympiques, la Solideo.
Nicolas Ferrand est donc face à deux chantiers d’exception. Le premier qu’il rénove lui-même – « sauf pour la plomberie », précise-t-il – est une ruine à deux heures et demie de Paris. Le second est le pilotage des chantiers les plus médiatiques des années à venir, dont l’un consiste à sortir, en trois fois moins de temps que d’ordinaire, tout en divisant par deux les émissions carbone, un véritable morceau de ville : le futur village olympique.
« On nous disait qu’on n’y arriverait pas, se souvient-il. Que ce serait terrible. » Il y eut des nuits plus courtes que d’autres, « quelques » imprévus, des portes poussées avec le pied. Mais le 29 février, ce grand mince aux cheveux blanchis, parka marine sur un costume de haut fonctionnaire, a remis les clés du village des athlètes à Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Cojop), dans les temps, dans le budget. « Avec douze heures d’avance », tient-il même à préciser.
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