
L’objectif d’amener l’électricité à 300 millions d’Africains en cinq ans seulement, objet d’un sommet ayant réuni mardi 28 janvier chefs d’Etat et donateurs en Tanzanie, s’appuiera grandement sur le solaire hors réseau, dont l’efficacité grimpe tandis que son prix diminue, affirme un expert.
A Dar es-Salaam, la Banque mondiale s’est engagée à mobiliser de « 30 à 40 milliards » de dollars (de 28,8 à 38,5 milliards d’euros) et la Banque africaine de développement a promis 18 milliards de dollars (17,3 milliards d’euros) pour accélérer l’accès à l’électricité sur le continent, où près de 600 millions d’habitants vivent sans.
Les deux organisations estiment que dans leur initiative, dénommée « Mission 300 », le solaire hors réseau (ou off-grid), qui va de la simple lampe photovoltaïque jusqu’aux miniréseaux capables d’alimenter une localité, indépendamment du système national, tiendra un rôle central. Cette solution énergétique est en effet de moins en moins chère – les prix du photovoltaïque s’étant effondrés ces dernières années – tout en étant de plus efficiente, explique l’association mondiale de promotion du solaire hors réseau, Gogla.
Déploiement coûteux d’un réseau national
« Les améliorations de la technologie permettent désormais d’alimenter beaucoup [plus de choses] », explique dans une interview à l’Agence France-Presse (AFP) Patrick Tonui, directeur des politiques et stratégies régionales de Gogla. « Il y a quinze ou vingt ans, on parlait essentiellement d’éclairer des ampoules, et peut-être de charger un téléphone. Aujourd’hui, vous pouvez faire marcher une grande télévision, un frigo, etc., tout cela à un prix vraiment abordable », poursuit l’expert kényan.
Pas moins de 80 % des personnes qui n’ont pas accès à l’électricité dans le monde vivent en Afrique subsaharienne, soit environ 570 millions d’habitants, sur un total de 1,2 milliard en 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Dans ce contexte, le solaire off-grid y apparaît d’autant plus pertinent, notamment en zone rurale, que le déploiement du réseau national s’avère coûteux pour des Etats très contraints financièrement et gouvernant des territoires parfois immenses.
A titre d’exemple, la République démocratique du Congo, pays gigantesque, pauvre et en partie recouvert de forêts primaires, possède l’un des réseaux les moins étendus du continent, note M. Tonui. L’accès à l’électricité y était de 21 % en 2022 selon la Banque mondiale.
Explosion démographique
Même au Kenya, qui s’enorgueillit d’un taux d’accès à l’électricité élevé pour la région, le réseau ne couvre que 40 % du pays, desservant peu les vastes zones semi-arides du Nord, relève M. Tonui, ajoutant que le off-grid y totalise de « 20 à 25 % » de l’accès à l’électricité. « Du point de vue financier, de la faisabilité, et même juste du point de vue des délais, il est irréaliste de penser qu’on peut amener le réseau partout », insiste l’expert.
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Sans compter qu’être connecté au réseau n’est pas une panacée en Afrique : il reste encore les coupures d’électricité, parfois chroniques, exaspérantes. Au Nigeria, tous ceux qui le peuvent possèdent un générateur diesel.
En Afrique du Sud, pays continental le plus développé au sud du Sahara, qui a malgré cela connu une profonde crise énergétique en 2023-2024, de nombreux ménages ou commerces se sont équipés en solaire « soit comme back-up [moyen de secours] soit pour réduire leurs coûts », plaide M. Tonui.
Malgré les efforts, l’ajout de nouvelles lignes, l’augmentation de la production, la situation se dégrade : le nombre d’Africains sans électricité augmente, selon l’AIE. En 2010, ils étaient 566 millions, soit quelque 4 millions de moins qu’en 2022, s’inquiétait-elle dans un rapport publié en 2024, soulignant qu’à l’inverse l’accès s’est grandement amélioré en Asie du Sud et en Asie centrale lors de la même période.
La première cause est démographique. Mais, de plus, « il y a eu avec le Covid un ralentissement des programmes d’accès à l’énergie », analyse M. Tonui, insistant aussi sur la crise économique qui a, dans la foulée, laminé le pouvoir d’achat en Afrique, et donc la capacité à payer les factures. « Le rythme de l’accès à l’électricité n’a pas pu maintenir la cadence », conclut-il.