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« Plus le Pass culture a du succès auprès des jeunes, plus il creuse les inégalités qu’il est censé corriger »

by Marko Florentino
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Le secteur des arts attend son ministre depuis trois mois et le nom qui sortira du chapeau devra se pencher sérieusement sur le Pass culture. Soyons plus directs : quand va-t-on arrêter les frais ? Les rapports s’empilent sur le sujet, jusqu’à celui de la mi-juillet, écrit par l’inspection générale des affaires culturelles, qui constate que ce dispositif mis en place en 2021 ne remplit pas son rôle. Il est même contre-productif.

L’objectif de départ, louable, est d’inciter les jeunes de 18 ans à découvrir la riche offre culturelle publique (théâtre, films d’auteur, romans, expositions, opéras). Pour cela, on leur donne 300 euros, qu’ils peuvent dépenser à leur guise par le biais d’une application numérique. La somme tombe à 30 euros pour les jeunes de 16 et 17 ans, et à 20 euros pour ceux de 15 ans.

La grande majorité des jeunes dépensent leurs 300 euros – le contraire eût été surprenant –, mais il faut voir précisément qui et comment. D’abord, les plus aisés profitent bien plus que les jeunes modestes de cette manne. C’est déjà un problème, car ce passe a moins été créé pour les premiers, qui ont largement les moyens de se payer tout seuls un loisir culturel, que pour les seconds, qui en sont éloignés.

Les deux tiers de l’argent dépensé vont à des livres, et essentiellement des mangas, ensuite à des jeux vidéo populaires ou à des films à succès. Les goûts culturels des jeunes les regardent, rien à dire ici sur ce sujet. En revanche, comme il s’agit d’argent public, la façon dont il est dépensé mérite d’être évoquée.

Echec couru d’avance

Le Pass culture amplifie les œuvres à succès, alors qu’il a été imaginé comme un passeport pour la découverte – comment peut-on découvrir ce qu’on ne connaît pas ? Ensuite, cet argent finit dans la poche des producteurs culturels privés et, pour la plupart, étrangers (majors du disque, du jeu vidéo et du cinéma) qui, souvent, n’en ont pas besoin – hormis les librairies –, alors qu’il devait surtout aider les œuvres et les lieux que l’Etat et les collectivités locales subventionnent. En prime, il existe un solide trafic de Pass culture : des jeunes achètent des livres qu’ils revendent à d’autres jeunes.

Cernons un fiasco. Plus le Pass culture a du succès, plus il creuse les inégalités qu’il est censé corriger. Et puis il coûte cher. Deux cent soixante millions d’euros. C’est près de trois fois plus que l’argent dépensé par l’Etat pour l’éducation artistique.

Le plus stupéfiant dans cette affaire, c’est que l’échec était couru d’avance. Comment a-t-on pu croire qu’un chéquier, en forme de baguette magique, gommerait les fractures culturelles – entre riches et pauvres, centres urbains et campagnes, œuvres populaires et les autres –, alors que, depuis quarante ans, des dizaines de responsables de la création, compétents et engagés, s’échinent à faire ce boulot avec un succès mitigé ?

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