En 2022, lorsque les taux d’intérêt se sont envolés, le scénario d’un grand krach immobilier européen était redouté. Il n’a pas eu lieu, mais il n’y a guère de quoi se réjouir. A la place, le marché est entré dans une phase de quasi-gel, avec un fort ralentissement du nombre de ventes, une insuffisance des nouvelles constructions et un tassement des prix immobiliers qui restent historiquement très élevés, limitant l’accession à la propriété des jeunes.
Dans toute l’Europe, les prix des logements ont reculé ou stagné en 2023. Ils ont chuté de 5 % en Allemagne, de 2 % au Royaume-Uni comme en France, et ont légèrement progressé de 2 % à 3 % en Italie et en Espagne, selon les données de l’agence de notation Fitch, dans un rapport sur l’immobilier mondial publié en décembre 2023. « Nous prévoyons des prix stables ou en hausse modérée en 2024 et 2025 », estime l’agence. La France fait néanmoins figure d’exception, avec un recul des prix de 2 % à 4 % prévu cette année.
Les conditions économiques laissaient craindre bien pire. La Banque centrale européenne a augmenté ses taux d’intérêt de – 0,5 % à 4 % entre septembre 2019 et septembre 2023, la plus forte hausse de l’histoire de la monnaie unique. Mais, en zone euro, les prêts sont majoritairement à taux fixes sur de longues durées. Dans ces conditions, la hausse des taux n’affecte pas ceux qui ont déjà emprunté, mais seulement les nouveaux acheteurs qui, dès lors, ont plus de mal à décrocher un prêt à la banque.
Les propriétaires qui ont des prêts à taux fixes bas, eux, évitent de déménager, de peur de ne pas pouvoir décrocher un nouvel emprunt. Ce qui grippe le marché, en réduisant le nombre de biens à la vente – en Allemagne, le nombre de prêts immobiliers a par exemple baissé de moitié en deux ans. En France, les transactions immobilières ont été réduites d’un quart. En outre, le nombre de constructions est insuffisant, notamment dans les pays pris d’assaut par les touristes durant la saison estivale, et dans ceux qui ont accueilli des réfugiés ukrainiens depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, début 2022.
Ce gel du marché à des prix très élevés a de douloureuses conséquences sociales en cascade. Dans les centres-villes pris d’assaut par les touristes, les classes populaires et moyennes, pénalisées par ailleurs par l’inflation énergétique et alimentaire, peinent de plus en plus à se loger. Certains ménages sont relégués à la périphérie, voire pire.
Au Royaume-Uni, le nombre de personnes qui se sont retrouvées sans domicile fixe en 2023 a ainsi dépassé le nombre de primo-accédants, selon l’association Generation Rent, qui défend les locataires. En Irlande, l’âge médian des acheteurs est désormais de 39 ans, contre 35 ans en 2010. Aux Pays-Bas et en République tchèque, le sujet alimente la colère politique, tandis que l’Italie, le Portugal et la Grèce tentent de lutter contre les excès du tourisme.
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