« Ah bah voilà ! T’es Scorpion ascendant Scorpion, mais t’as Vénus en Balance : c’est pour ça que tu détestes les conflits. » Penché sur son smartphone, Jay, 24 ans, décrypte mon thème astral grâce à un site spécialisé. Scorpion lui aussi, le jeune homme tente de me prouver pourquoi notre signe – l’un des plus mal-aimés du zodiaque – ne mérite pas sa mauvaise réputation. Accoudé au comptoir du Cabaret des Merveilles, bar queer parisien du quartier Saint-Michel, il poursuit : « Ta Lune est en Capricorne. Ça, c’est le côté sérieux et carré dont tu parlais tout à l’heure. » Et d’ajouter, en lançant un regard amusé à mon carnet de notes : « Très carré apparemment… » « Purée, y a aucune rature ! Et t’écris trop bien en plus », s’exclame une cliente venue commander une pinte de blonde.
Dis-moi quel est ton signe, je te dirai qui tu es. Ces dernières années, l’astrologie, une pseudo-science relevant de la croyance occulte, est devenue un élément important des codes culturels et de la sociabilité queer, en particulier chez les plus jeunes. « Quand tu rencontres quelqu’un, le “C’est quoi ton signe ?” a remplacé le “Tu fais quoi dans la vie ?” », affirme Raph, 22 ans, étudiante en lettres modernes et Verseau ascendant Bélier, ce qui ferait d’elle « une fonceuse, parfois trop impulsive ». Sur Instagram, des comptes comme @astrologouine ou @zcommezodiaque cumulent près de quarante mille abonnés. L’humoriste trans Lou Trotignon a publié une vidéo dans laquelle il moque l’utilisation abusive de cette tendance. Certains comptes LGBT à visée généraliste, comme @lesbien.raisonnable, y vont de leur clin d’œil. Le Cabaret des Merveilles propose même des shots en fonction de son signe astrologique. Vierge ? Whisky miel citron vert. Balance ? Vodka triple sec framboise.
Cet attrait pour l’astrologie ne concerne évidemment pas l’ensemble de la communauté queer. Parmi les sceptiques, il y a ceux qui se gardent de crier au charlatanisme, mais qui n’en pensent pas moins, et ceux qui n’hésitent pas à faire part de leur défiance, voire de leur agacement. « C’est des conneries, moi j’y crois pas », lance Ethan, l’un des serveurs, tout en préparant un cocktail. « Tu viens de nous dire ton ascendant et la position de ta Lune : c’est bien que tu t’y intéresses ! », lui rétorque Jay. « Forcément, quand ça fait deux cents fois qu’on te demande, tu cherches », bougonne le barman.
« Assumer des croyances mystiques »
Dans son mémoire, Elia Girauldon, étudiante à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, explique comment les jeunes (18-25 ans) – qu’ils soient LGBT ou non – utilisent l’astrologie « pour réduire les incertitudes et obtenir un degré de compatibilité dans le cadre des rencontres amoureuses ». « Ça permet de briser la glace, surtout pendant un date, et de découvrir le caractère de l’autre », confirme Raph. Les Taureau seraient supposément fiables quoique rancuniers ; les Poisson, empathiques et dotés d’une personnalité à fleur de peau ; les Lion, honnêtes, déterminés et orgueilleux…
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