Durant près d’une semaine, au début du mois de février, d’épaisses colonnes de fumées noires ont obscurci le ciel bleu de la Camargue entre Saint-Gilles (Gard) et Arles (Bouches-du-Rhône). A l’origine de ces fumées nauséabondes : des amas de plastiques utilisés pour les cultures de salades et de melons, mélangés à des déchets verts, qui se consument dans des champs ou sur le bord de la route.
Plusieurs riverains alertent alors la gendarmerie et l’Office français de la biodiversité (OFB). Les feux ont été allumés au sein de la plus grande zone humide de France, une réserve biotope classée en site Natura 2000 située au cœur du parc naturel régional de Camargue, avec le Petit-Rhône à proximité. « Il y a une biodiversité remarquable mais fragilisée, on s’inquiète des risques de pollution », relate, sous le couvert de l’anonymat, un témoin de la scène. « On ne peut pas laisser faire n’importe quoi, il y a des lois. Nos enfants respirent ça. Il faut respecter nos poumons et notre environnement ! », dénonce une mère de famille habitant le village de Saliers, près d’Arles.
Les feux ont été déclenchés sur l’une des propriétés de Didier Cornille, un grand propriétaire terrien qui cultive des salades et des melons sur plusieurs milliers d’hectares entre le Gard et les Bouches-du-Rhône. Accusant l’agriculteur de ne pas respecter les obligations définies par le code de l’environnement, selon lequel tout détenteur de déchets est responsable de leur gestion, jusqu’à leur valorisation et leur élimination, plusieurs associations écologistes, dont France Nature Environnement (FNE) et la Ligue de protection des oiseaux, portent l’affaire en justice.
L’audience en correctionnelle, qui aurait dû avoir lieu mardi 11 juin au tribunal de Tarascon (Bouches-du-Rhône), a été reportée au 18 février 2025 en raison d’un « problème d’audiencement ». « C’est dommage que l’audience soit reportée, mais il est important que la procédure se poursuive pour que cet agriculteur aux pratiques plus que douteuses ne réitère pas ses actes », explique Me Isabelle Vergnoux, l’avocate de FNE. Didier Cornille et sa société Les Saladines risquent une amende de plusieurs milliers d’euros. Sollicité à plusieurs reprises, son avocat n’a pas donné suite.
En Petite Camargue comme en Camargue, l’usage du plastique en agriculture s’est intensifié ces dernières années. Les minitunnels transparents, posés sur la terre, et visibles à perte de vue, rappellent les paysages espagnols de la région de Murcie, au sud-est du pays. « Depuis un peu plus de cinq ans, des structures importantes, souvent venues d’Espagne, cherchent de nouvelles superficies pour cultiver le melon. Dans notre région, avec le soleil et l’eau à volonté, ils ont trouvé une terre idéale », souligne Jean-Louis Portal, élu à la chambre d’agriculture du Gard. Les protections en plastique empêchent l’herbe de passer, protègent du vent et laissent le fruit propre au moment de la récolte. Le plastique est aussi souvent utilisé dans la culture des salades.
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