Des migrants dans un château du XVIIe siècle. Le symbole était trop tentant, dans les rangs de l’extrême droite, pour ne pas s’en saisir. Quitte à grimer largement la réalité. Le 27 février, sur le réseau social X, Marion Maréchal, tête de liste du parti Reconquête ! aux élections européennes, a dénoncé le détournement d’un « bijou de notre patrimoine », niché « au pays des rois de France et de la monarchie capétienne », transformé en « camp de migrants africains » arrivés de Mayotte. Le 26 février, c’est Jordan Bardella, le président et candidat aux européennes du Rassemblement national (RN), qui avait cinglé, également sur X : « Entrez clandestinement à Mayotte, vous pourrez être rapatriés en métropole et logés dans un château du XVIIe siècle ! »
En réalité, à Thiverval-Grignon (Yvelines), sur l’ancien site d’AgroParisTech, ce n’est pas le château, mais des résidences étudiantes désaffectées qui ont servi, à partir du 26 février, de sas d’accueil à 195 personnes, principalement des familles du Burundi, du Soudan, de République démocratique du Congo et du Rwanda. Toutes avaient préalablement obtenu l’asile à Mayotte, où elles vivotaient dans un camp, une présence précaire qui a généré des tensions fortes au sein de la population locale.
Dimanche 3 mars, un groupe de quelques dizaines de militants d’extrême droite a aussi été éloigné par des gendarmes après s’être brièvement introduit la journée sur le site. Ils y ont déployé une banderole, lancé des fumigènes et entonné des chants racistes, rappelant un premier épisode survenu il y a un an, en février 2023. Reconquête ! avait manifesté devant le château pour dénoncer, cette fois, l’accueil de migrants sans abri dans le cadre du plan Grand Froid.
« C’est une opération exemplaire »
Au ministère de l’intérieur, l’accueil des réfugiés de Mayotte sur le site aurait, selon certains, fait grincer des dents. « Le symbole est catastrophique. [Le ministre de l’intérieur, Gérald] Darmanin a demandé qu’ils partent beaucoup plus vite », raconte un cadre de la Place Beauvau, sous le couvert de l’anonymat. Les familles ont été orientées sur différents sites en province. Sollicitées, ni la préfecture d’Ile-de-France ni la direction générale des étrangers en France, qui ont piloté l’opération, n’ont donné suite à nos sollicitations.
De fait, l’association à laquelle a été confiée la prise en charge des réfugiés, Emmaüs Solidarité, avait planifié un séjour des bénéficiaires pendant trois mois avant que celui-ci ne soit réduit à trois semaines par les pouvoirs publics. « Il y a eu 80 départs le 29 février, puis 51 départs le 7 mars, et il reste 28 personnes aujourd’hui », énumère Lotfi Ouanezar, le directeur d’Emmaüs Solidarité, sans faire le lien avec les protestations de l’extrême droite.
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