NETFLIX – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Pourquoi un protecteur de papillons monarques, Homero Gomez Gonzalez, a-t-il été retrouvé mort, le 29 janvier 2020, au fond d’un puits agricole dans l’Etat mexicain de Michoacan, deux semaines après avoir disparu ? A l’époque, la mort de cet ingénieur agronome de 50 ans a provoqué une vague d’indignation dans son pays, relayée par les médias européens.
Quatre ans plus tard, alors que l’affaire n’est toujours pas officiellement élucidée, le réalisateur Emiliano Ruprah de Fina s’est rendu dans le sanctuaire d’El Rosario, que Homero Gomez avait créé et administrait près de la ville d’Ocampo, dans le Michoacan. Il a visionné les archives, interrogé ses amis, sa famille, son épouse, ses fils, ses employés, le médecin légiste, des responsables régionaux, des élus, des policiers…
Il en rapporte un documentaire riche, conçu comme un cold case manichéen. La mise en scène oscille entre le bien et le mal. Avec, d’un côté, les plans poétiques de milliers de papillons filmés au ralenti, de jour ou de nuit, magnifiques ; de l’autre, les statistiques de la criminalité. Avec d’un côté la vision quasi mystique de Homero Gomez, les bras en croix au milieu d’une nuée orange et noir, dans une vidéo qui lui a permis de développer l’écotourisme dans son sanctuaire ; de l’autre la découverte d’un laboratoire de méthamphétamines.
Trafic de bois
Le Mexique est un pays particulièrement dangereux pour les protecteurs de l’environnement. En cause, une déforestation lucrative aux mains de cartels, qui voient d’un mauvais œil les écologistes qui entravent leur trafic de bois ou leur commerce d’avocats – le Mexique est le premier producteur mondial de cet « or vert ».
Dans le cas de Homero Gomez, il faut savoir que les monarques migrent par milliers chaque année depuis le nord des Etats-Unis et le Canada vers cette zone boisée du Mexique, car elle est riche en oyamels, seuls pins dans lesquels ces papillons se reproduisent. La déforestation menace donc directement ces insectes. Activiste efficace, Homero Gomez savait médiatiser son combat. Il réclamait que le trafic de bois soit puni, organisait des virées avec des amis pour débusquer les trafiquants et les remettre aux autorités, quitte à attirer l’attention sur la réserve, ce qui n’était pas du goût de tous.
Le film pose de nouvelles interrogations. Notamment sur l’état du corps, incompatible avec un séjour immergé de deux semaines, comme le prétend la version officielle. Ou sur l’assassinat, six mois plus tard, de Jorge Arroyo, un photographe qui aurait détenu du matériel de Homero Gomez.
L’enquête ouvre également de nouvelles pistes. Pour n’en citer qu’une, celle de Karina Alvarado, conseillère municipale de Zitacuaro. Au-delà, elle suggère l’imbrication des autorités dans de telles affaires. Un policier de l’unité des homicides volontaires campe sur ses positions : « C’est une mort accidentelle. » De son côté, la famille accuse : « Les bûcherons, les producteurs d’avocats obéissent au crime organisé avec le soutien des autorités. »
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Silvano Aureoles, gouverneur du Michoacan de 2015 à 2021, a accepté de répondre longuement dans le film. « Lui [Homero Gomez] et moi avions nos désaccords, mais je soutenais sa cause. »
Le Gardien des monarques. Mort d’un militant écologiste, d’Emiliano Ruprah de Fina (Mex., 2024, 91 min).