
Interrogée mercredi 18 juin sur France 5 sur ses démêlés avec la justice et des accusations portées contre elle, la ministre de la culture, Rachida Dati, a répliqué en menaçant son intervieweur, Patrick Cohen, de déclencher une enquête contre lui pour des accusations de harcèlement rapportées dans Mediapart.
Invitée sur le plateau de « C à vous », Rachida Dati, mise en examen dans le cadre de l’affaire Carlos Ghosn pour corruption passive, a été interrogée sur des accusations récemment portées par le magazine « Complément d’enquête ». Selon ces dernières, Rachida Dati a perçu 299 000 euros d’honoraires de GDF Suez quand elle était députée européenne, sans en déclarer la provenance au Parlement européen.
La ministre, qui est la ministre de tutelle de l’audiovisuel public, a de nouveau récusé ces faits, et contre-attaqué, en faisant référence à un article de Mediapart, publié en février, au sujet de tensions remontant à plusieurs années à France Inter, et au management de Patrick Cohen quand il dirigeait la matinale.
« Je peux saisir le tribunal »
« M. Cohen, avez-vous harcelé vos collaborateurs ? Est-ce que c’est vrai, M. Cohen ? », a interrogé la ministre. « Vous pourriez aussi tomber sous le coup de ce délit [de harcèlement]. Il suffirait que je fasse un article 40 pour dénoncer suite à ce papier de Mediapart. Je peux saisir le tribunal (…), je peux le faire », a-t-elle menacé. L’article 40 du code de procédure pénale oblige toute autorité constituée ou fonctionnaire à dénoncer au procureur les délits dont il aurait connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
La ministre a également mis en cause la présentatrice, Anne-Elisabeth Lemoine : « De la même manière, on a dit qu’à “C à vous” l’ambiance est épouvantable, que vous pleurez toute la journée, que tout le monde est mis en cause. » « Non, c’est faux », a répondu Mme Lemoine. « Ce n’est pas très reluisant, ce que vous faites Mme Dati. C’est déshonorant », a déclaré, de son côté, Patrick Cohen.
La tension était déjà montée sur le plateau entre Rachida Dati et ses intervieweurs à propos de la réforme de l’audiovisuel public, qu’elle porte et qui ambitionne de rapprocher Radio France et France Télévisions.
Des « intimidations » dénoncées
« Les mises en cause personnelles à l’encontre des journalistes ne sont pas acceptables », a réagi France Télévisions auprès de l’Agence France-Presse (AFP), ajoutant : « France Télévisions apporte tout son soutien aux équipes de “C à vous” et à l’ensemble de ses journalistes, qui continueront à exercer sereinement leur métier en toute liberté. »
La société des journalistes de la rédaction nationale de France Télévisons a de son côté dénoncé dans un communiqué « ces intimidations ». « Enquêter sur des personnalités publiques, poser des questions, confronter des faits : c’est le fondement de notre métier », fait-elle valoir, soulignant que « les menaces, les pressions, les agressions sont des atteintes graves à la liberté de la presse ».
Radio France a aussi apporté son soutien à Patrick Cohen – qui est également éditorialiste sur France Inter – et à l’équipe de « C à vous », affirmant que « mener des interviews contradictoires fait pleinement partie du métier de journaliste en démocratie et ne saurait justifier en aucun cas des attaques personnelles ». La CGT de France Télévisions a qualifié, dans un communiqué, la séquence de « grand moment de violence politique en direct » avant de s’insurger : « Ce n’est plus une tutelle, c’est une prise d’otage ! »