Pour tout entraîneur allemand, diriger le Bayern Munich est la consécration ultime. Une ligne sur le CV qui atteste une grande carrière. Début mai, le club bavarois sonde plusieurs techniciens pour remplacer Thomas Tuchel, amené à quitter son banc à l’issue de la saison 2023-2024. Les dirigeants se tournent vers Ralf Rangnick. Ce dernier refuse, pour se concentrer pleinement sur l’Euro 2024 qu’il doit disputer comme sélectionneur de l’Autriche.
Pour le technicien de 65 ans, qui va affronter l’équipe de France avec Das Team (« l’équipe ») à Düsseldorf (Rhénanie du Nord-Westphalie), lundi 17 juin, cette fin de non-recevoir adressée au grand Bayern est une formidable revanche sur le passé. Lunettes sur le nez, flegme assumé au bord du terrain, Ralf Rangnick a acquis le rang de sommité du football allemand. Au tournant des années 2000, pourtant, il y avait fait irruption auréolé du titre de « Professeur ». Un sobriquet, plutôt qu’un surnom.
« Il a changé le football en Allemagne », annonce tout de go Peter Zeidler, entraîneur du VfL Bochum et un de ses proches depuis quarante ans. Au milieu des années 1980, les deux amis et d’autres éducateurs forment « l’école de Stuttgart », un groupe de techniciens aux idées novatrices, supervisé par un mentor, Helmut Gross. Ralf Rangnick, après une modeste carrière de joueur amateur, en est le représentant le plus radical. Celui, aussi, qui obtient le plus rapidement des résultats au haut niveau.
L’actuel sélectionneur autrichien devient le « Professeur » le 19 décembre 1998, en prime time. Ralf Rangnick est alors entraîneur d’Ulm, surprenant leader de la deuxième division allemande après avoir été promu en début de saison. Jeune quadragénaire ambitieux, il est invité sur le plateau de « Sportstudio », l’émission de sports phare de la chaîne ZDF, pour détailler ses idées. Sur le tableau noir, il place les pions et expose sa méthode, qui ne fait pas l’unanimité outre-Rhin.
« Il a expliqué le marquage “en zone”, ce qu’on n’avait pas encore vu dans le pays, se remémore Peter Zeidler. Les grands messieurs du football allemand se sont moqués de ce coach à lunettes, qui venait du monde amateur. » A l’époque, la Mannschaft est championne d’Europe – sacrée en 1996 – et le pays ne voit pas l’intérêt de remettre en cause une formule qui semble fonctionner.
« L’un des premiers représentants du football moderne »
Celle de Ralf Rangnick se résume en quelques idées : la fin du marquage individuel – dit « à la culotte » – encore en vigueur en Allemagne, un pressing intense et coordonné, le tout associé à un jeu « vertical », tourné vers le but adverse. Le technicien n’a rien inventé, il s’inspire de ce qui se fait de mieux à l’étranger : l’URSS de Valeri Lobanovski, finaliste de l’Euro 1988, l’AC Milan d’Arrigo Sacchi qui remporte la Ligue des champions en 1989 et en 1990 et… l’équipe de France, vainqueure de la Coupe du monde 1998.
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