
L’AVIS DU « MONDE » – ON PEUT ÉVITER
C’est l’un de ces monuments funéraires devant lesquels on passe en se disant que le défunt devait être une personne d’importance, sans que son architecture laisse rien deviner de la nature de cette importance. Produit par la famille de Bob Marley (1945-1981) et par Plan B, la société de Brad Pitt, Bob Marley : One Love est une collection d’images pieuses. Effleurant aussi bien la grandeur de l’artiste que ses failles, le film laisse une impression de confusion, que l’on ignore tout du parcours de la première star mondiale issue de ce que l’on appelait « le tiers-monde » ou qu’on en connaisse les moindres détails.
Quelques espoirs naissent pourtant du parti pris du scénario (dû, entre autres, au vétéran des séries Terence Winter), qui s’attarde sur les années allant de l’attentat perpétré contre Bob Marley, en décembre 1976, dans sa maison de Kingston, en Jamaïque, à la tournée qui suivit la sortie de l’album Exodus (1977), à la fin de la décennie 1970.
Très vite, la dure loi de la biographie didactique reprend ses droits. D’incessants retours en arrière, sous forme de petites saynètes, égrènent les étapes de l’irrésistible ascension de Bob Marley (l’acteur britannique Kingsley Ben-Adir, vu récemment en extraterrestre dissident dans la série Marvel Secret Invasion) ; la rencontre avec son épouse, Rita (Lashana Lynch), sa découverte du rastafarisme, l’enregistrement de son premier titre original.
Impression d’irréalité
Le film a beau avoir été tourné en Jamaïque sous la direction du réalisateur afro-américain Reinaldo Marcus Green (La Méthode Williams, 2021), les ghettos de Kingston apparaissent comme le décor exotique d’interactions convenues plutôt que comme le bouillon de culture qui donne naissance à une nouvelle forme artistique.
L’incapacité du metteur en scène à faire vivre d’autres personnages que le couple central exacerbe encore l’impression d’irréalité. Le producteur Chris Blackwell, les musiciens des Wailers, les truands embauchés pour abattre Marley ne sont que des silhouettes identifiables seulement par leur emploi. Et si Lashana Lynch parvient à une certaine majesté dans son interprétation de Rita Marley, la muse sans cesse délaissée et retrouvée, Kingsley Ben-Adir ne retrouve jamais la dimension prophétique de Bob Marley.
Pour avoir une idée de ce que furent ces années qui secouèrent la Jamaïque, de la guerre des gangs et des partis, dont les flammes furent attisées par les antagonistes de la guerre froide pour finalement avaler Bob Marley et le reggae, mieux vaut lire le prodigieux roman de Marlon James, Brève histoire de sept meurtres (Albin Michel, 2016).
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