Moscou « suit avec attention » le « processus » de « progression » des « forces de droite » en Europe, a informé Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, lundi 10 juin, au lendemain des élections au Parlement européen. C’est un euphémisme : ce commentaire inhabituellement feutré sur le succès de mouvements politiques qu’au Kremlin on se garde bien de qualifier d’extrémistes ne fait pas justice à l’immense satisfaction des propagandistes russes. Il faut dire qu’ils n’ont pas ménagé leur peine pour favoriser ce succès à distance, tant l’enjeu, pour Moscou, est de taille.
Ces efforts sont plus ou moins visibles selon les pays européens, leur histoire, leur culture et le degré de soutien de l’opinion publique à l’Ukraine agressée. Le Kremlin ne déploie pas les mêmes techniques de désinformation ou d’ingérence en Slovaquie, en Hongrie, en France ou dans l’ex-Allemagne de l’Est.
En France, le Rassemblement national (RN) a mis en sourdine ses sympathies prorusses depuis le 24 février 2022, lorsque Vladimir Poutine a lancé l’invasion de l’Ukraine. Jordan Bardella s’est montré ukraino-compatible avec une remarquable constance pendant cette campagne électorale. Vierge de toute visite au Kremlin contrairement à Marine Le Pen, il n’a rien à se reprocher. Il a bien Thierry Mariani dans sa liste, vieil habitué des vols Paris-Moscou et des voyages en Asie centrale, mais le président du RN a sa réponse toute prête : « M. Mariani a été ministre de Nicolas Sarkozy » – comme si la politique russe du président Sarkozy était un gage de respectabilité.
Qu’on ne s’y trompe pas : s’il venait à gouverner, le RN renouerait sans difficulté avec son ADN diplomatique, celui du nationalisme, de la complaisance avec les autocrates et de la fascination pour la grande Russie. Les résultats des élections européennes du 9 juin puis le coup de tonnerre de la dissolution de l’Assemblée nationale, avec la perspective possible d’une cohabitation avec le RN à Paris, ont fait surgir une série d’hypothèses vertigineuses sur l’avenir des relations de l’Europe avec le reste du monde. Certaines doivent être prises au sérieux.
Le tandem franco-allemand affaibli
Ainsi, penser que Marine Le Pen à l’Elysée suivrait la même évolution que Giorgia Meloni à Rome est un leurre. Prêterait-elle une oreille aussi attentive que la première ministre italienne aux conseils de l’icône européenne Mario Draghi ? Rien n’est moins sûr, pas plus que n’est sûre la future trajectoire de Mme Meloni en fonction de l’évolution de l’environnement international.
Il vous reste 56.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.