A Dien Bien Phu, soixante-dix ans après la bataille qui s’est achevée les 7 et 8 mai 1954, la terre continue de rendre parcimonieusement les corps. La terre mais aussi la diplomatie, signe d’une lente entreprise de réconciliation mémorielle entre le Vietnam et la France. Avec l’aval d’Hanoï, six corps de soldats français disparus sur le terrain et redécouverts vont être rapatriés dans les prochains jours. Le secrétariat d’Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire en a fait l’annonce, vendredi 29 mars.
Il s’agit de deux gradés « de type européen » appartenant au 4e régiment de tirailleurs marocains (RTM), sur lesquels ont été retrouvés des insignes régimentaires. De trois parachutistes reconnus également par l’insigne figurant sur leur béret. Et d’un dernier soldat pour l’heure parfaitement anonyme. Avec le temps, les squelettes se résument parfois à quelques ossements, revêtus de lambeaux d’uniforme.
Une seule dépouille, celle d’un para, était accompagnée de sa plaque patronymique. Reste à retrouver l’identité des cinq autres. A leur arrivée en France, elles feront l’objet d’analyses d’ADN et de comparaison avec des dossiers militaires, notamment de santé. Ce travail sera réalisé par l’Office national des combattants et des victimes de guerre. Avec l’espoir – ténu mais réel – de leur redonner un nom et une digne sépulture. Ils seront ensuite, soit restitués à leur famille, soit enterrés dans la nécropole nationale de Fréjus (Var).
Valeur symbolique
Les deux soldats du 4e RTM avaient été retrouvés en 2022, à l’occasion de l’agrandissement de l’aéroport de Dien Bien Phu. Les trois parachutistes avaient été découverts en 1996 par un habitant, en même temps que quelques effets, des rangers, une arme, des sachets de poudre stérilisante et… une bouteille de Ricard. Deux de ces corps étaient enveloppés dans leur toile de parachute. Le propriétaire avait mis ces restes dans des urnes, ensevelies au fond de son jardin. Puis ils avaient été déterrés, en 2004, et réenfouis dans un cimetière local. Le dernier soldat, enterré, avait lui aussi été trouvé par un Vietnamien qui faisait des travaux dans sa maison. Les six corps ont été à nouveau exhumés mardi 26 mars, lors d’une cérémonie officielle en présence de l’ambassadeur de France et de responsables des autorités locales. Avant leur retour au pays, soixante-dix ans après l’avoir quitté.
La restitution de ces six corps recouvre avant tout une valeur symbolique, à l’approche, donc, de l’anniversaire de la bataille qui précipita la fin de la domination française dans ce qui était alors l’Indochine. Les autorités françaises y voient un « signe encourageant » de la part du gouvernement vietnamien. Pour les derniers vétérans encore en vie, c’est avant tout le signe que leur pays n’oublie pas totalement les camarades qui ont disparu dans le bûcher de Dien Bien Phu. « Ceux qui sont tombés pour leur patrie méritent d’être honorés, assure-t-on au secrétariat d’Etat. Ni la distance ni le temps ne doivent être un obstacle. »
Il vous reste 27.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.