S’il y a quelques années le streetwear était sur tous les podiums, les temps ont bien changé. Peut-être parce qu’il est plus facile de justifier les prix stratosphériques du luxe avec des vêtements construits et ornementés, la fashion week printemps-été 2025, qui s’est terminée à Paris le 1er octobre, a proposé une garde-robe très formelle et orientée vers le soir, en particulier chez les créatrices.
Stella McCartney a convié ses invités à un défilé dans la rue, avenue de Saxe, là où se tient un marché les jeudis et samedis. Sa collection n’est pourtant pas tout à fait indiquée pour faire ses courses : robe en cuir végétal rouge Ferrari à la fois moulante et drapée, microrobe à longue traîne qui foule le bitume, costume épaulé brodé de pierres, robe-cape scintillante qui obstrue les bras, veste boule tel un nuage de coton… Même si quelques looks plus sport se glissent ici ou là, l’ensemble est clairement destiné à briller en soirée.
« C’est une collection pour s’élever, regarder les choses depuis une autre perspective, d’en haut, comme les oiseaux », devise la designer, qui a ponctué son travail de colombes imprimées sur les tissus, drapées dans du tissu ou sculptées en or. L’animal symbolise ses convictions environnementales – pas de cuir animal, beaucoup de matériaux recyclés… –, toujours au cœur de sa création. Mais les bonnes intentions ne suffisent pas à rendre ce vestiaire très portable, ni très désirable, surtout présenté un lundi matin sous la pluie.
Des bonnes intentions, Gabriela Hearst en a également, autant que de l’ambition. La designer américano-uruguayenne veut proposer un vestiaire à la fois luxueux et vertueux, en sourçant le meilleur coton dans des fermes barbadiennes qui n’ont pas besoin d’irriguer leurs plantations (les pluies diluviennes font le travail) et en faisant réaliser ses jerseys précieux par des associations de femmes sud-américaines victimes de violences…
Présenté dans les jardins de l’hôtel particulier Pozzo di Borgo, son défilé met l’accent sur les belles matières, des cuirs souples moelleux aux cachemires cousus de perles de verre, qui se suffisent à elles-mêmes. Peu de fioritures sur ses robes bustiers ou à manches ballons, jupes midi, tailleur en cuir, trenchs à nœuds… Gabriela Hearst défilait jusqu’à présent à New York, où sa mode de bon goût a trouvé son public – la marque affiche une croissance à deux chiffres depuis plusieurs années. Ce vestiaire chic et sans doute très adapté aux cocktails new-yorkais suffira-t-il à conquérir Paris ? « Etre ici me donne envie de m’investir encore davantage et de viser plus haut », assure la designer. Qui possède sans doute les ressources nécessaires, autant financières que créatives, pour atteindre son but.
Longs voiles flottants
Victoria Beckham a vu les choses en grand cette saison en défilant dans le parc de Bagatelle, aux abords du bois de Boulogne. Toujours en quête de légitimité mode, l’ex-Spice Girl entend monter en gamme. Les premières silhouettes montrent des hauts comme moulés sur les poitrines, dont les pans s’échappent dans le dos ou le cou et terminent leur course sous la forme de longs voiles flottants.
Ces hauts sculpturaux accompagnent aussi des pantalons larges portés bas sur les hanches, asymétriques, avec une jambe fendue dans la longueur. Victoria Beckham poursuit ses expérimentations stylistiques avec des robes du soir drapées sur les épaules, des costumes pantalons dévoilant des bodys transparents ou encore de courtes robes bustiers évoquant les corolles d’une fleur. Une garde-robe du soir pensée pour des femmes fières de leur corps et qui veulent le montrer. Mais, à force de complexité, le résultat est déroutant, et pas toujours heureux.
La déconstruction du vêtement, c’est vraiment la spécialité de Chitose Abe, qui mène sa griffe, Sacai, depuis 1999. Alors qu’elle a plutôt l’habitude de l’appliquer à un vestiaire urbain, la Japonaise s’essaie cette saison à des pièces plus élégantes, qui ne détonneraient pas lors de dîners mondains. « Nous venons tout juste d’ouvrir des bureaux à Paris, c’est sans doute pour ça que j’ai voulu injecter un peu de chic parisien dans la collection », explique la créatrice nippone, dans le loft du 10e arrondissement où avait lieu le défilé.
Ici, chacune des silhouettes est composée d’un seul tenant, ce qui est difficile à déceler à l’œil nu tant les volants, les superpositions de tulle ou les drapés s’échappant dans le dos brouillent les pistes. On retient les cols lavallière des robes courtes à volants ou encore ce caban basculé vers l’arrière, dévoilant les épaules sous un tulle irisé. Une collection particulièrement réussie.
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Chez Isabel Marant, qui a fait du voyage et de l’évasion son terreau depuis ses débuts, en 1994, on ne change pas une recette qui a fait ses preuves. Présenté comme toujours dans la cour d’honneur du Palais-Royal, le vestiaire du printemps-été 2025 est un mix de ce que la Française sait faire, soit une garde-robe facile, bohème, qui évoque les embruns et le sable chaud.
Mais, entre ses blouses imprimées et ses petits blousons en daim, la vacancière imaginaire n’oublie pas dans ses valises des pièces taillées pour le soir : robes en maille fine, totalement transparentes ou retenues par des boucles métalliques sur la poitrine ou le ventre. « C’est un soir un peu plus doux que d’habitude, plus épuré », expliquent Isabel Marant et Kim Bekker, la directrice artistique de la marque. La collection a le mérite d’être vraiment estivale, mais la griffe, présente dans le paysage mode depuis trente ans, gagnerait à se renouveler davantage, pour ainsi conquérir une nouvelle clientèle.