Quelques heures après avoir affirmé que la mise en place d’un passe rail estival, pour les jeunes, n’aurait pas lieu cette année faute d’accord de trois régions, le ministre délégué aux transports, Patrice Vergriete, a affirmé mercredi 3 avril, au soir, que « toutes les régions » l’avaient finalement donné. « La situation vient de se décanter à l’instant », a déclaré le ministre à l’Agence France-Presse (AFP).
« A moins d’un changement de pied des présidents de région, aujourd’hui même, nous ne pouvons pas être opérationnels en 2024 (…). Il n’y aura pas de passe rail cet été », avait affirmé le ministre plus tôt dans la journée sur Franceinfo. Selon lui, trois présidents de région n’avaient pas donné leur accord, citant « Hervé Morin [Normandie], Xavier Bertrand [Hauts-de-France] et Laurent Wauquiez [Auvergne-Rhône-Alpes] » et disant regretter une « attitude sans explication ». Les régions financent les trains régionaux et décident des tarifs.
Se déclarant « ravi » de cette issue, M. Vergriete a remercié la présidente de l’Occitanie et de l’association Régions de France, Carole Delga, qui a « remobilisé les présidents de région » sur ce dossier, ainsi que ces derniers. Le ministre a dit avoir voulu battre le rappel mercredi matin car « sans cette prise de conscience publique que ça se jouait [mercredi], on n’y serait peut-être pas arrivés ». Les opérateurs de transports, notamment la SNCF, devaient bénéficier de suffisamment de temps pour préparer l’application du dispositif, a-t-il expliqué.
Le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, joint par l’AFP, a dénoncé une « mise en scène finale » du ministre visant à « pointer du doigt les régions » pour cacher une « méthode d’amateur », assurant qu’il n’avait jamais été question de s’opposer à l’opération mais de demander la résolution de « deux injustices » sur son périmètre et son financement. « Ça fait 700 000 jeunes qui vont pouvoir bénéficier pour cet été et pour 49 euros de l’accès libre aux Intercités et aux TER, c’est une belle nouvelle pour la jeunesse », s’est contenté de se réjouir le ministre. « Où irez-vous ? » a demandé Emmanuel Macron sur X à l’adresse des futurs bénéficiaires, se félicitant de la nouvelle.
Dispositif « impensable » sans l’Ile-de-France
Selon M. Vergriete, le gouvernement a accepté, à la demande des régions, que l’Etat finance à 80 % le dispositif, estimé à 15 millions d’euros. Les régions avaient déjà obtenu de réserver le passe rail aux moins de 27 ans pendant la saison estivale.
Avant le revirement de situation, les régions citées n’avaient pas tardé à réagir. Dans un communiqué, la région Hauts-de-France s’était déjà dite « favorable » à la mise en place d’un passe rail, mais avait regretté qu’il ait été « transformé » par le ministre « en un passe au rabais uniquement pour les jeunes ». Le Normand Hervé Morin avait lui dénoncé « une annonce (…) sans concertation préalable avec les régions qui sont pourtant organisatrices des transports ferroviaires ».
Le président de la région Normandie déplorait notamment que les chiffrages des pertes de recettes pour la région soient « totalement improvisés et dans tous les cas ne correspondent pas aux chiffres annoncés par le ministre [mercredi] matin », ainsi que l’exclusion de la région Ile-de-France du dispositif. « S’il doit y avoir un passe rail il doit être national et s’appliquer sur l’ensemble du réseau français et ne doit pas exclure le réseau francilien par lequel passent inexorablement la plupart des jeunes se rendant dans une autre région par le train », plaidait-il dans un communiqué.
La région Auvergne-Rhône-Alpes a confirmé mercredi avoir accepté la mise en place du passe rail. « Mais il n’y a qu’une seule République, il est impensable que ce dispositif soit mis en place sans l’Ile-de-France. La région Auvergne-Rhône-Alpes donne son accord pour expérimenter » le forfait cette année, « mais son renouvellement, dans un an, sera conditionné à la présence de l’ensemble des régions, sans exception », a ajouté Frédéric Aguilera, vice-président régional chargé des transports.
« Le gouvernement reste ouvert »
Mêmes critiques de la région Hauts-de-France qui se disait prête à signer si « deux points d’alerte sont pris en compte » : la question de l’absence de l’Ile-de-France du dispositif et « la répartition du coût » entre Etat et régions. Selon l’exécutif régional présidé par Xavier Bertrand, la « prise en charge de la perte de recettes aurait dû être assumée totalement par l’Etat ». Pour Patrice Vergriete, « 80 % pris en charge par l’Etat, c’était exactement ce que demandaient les régions ».
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La présidente de la région des Pays de la Loire, Christelle Morançais, s’est dite « favorable à la proposition du gouvernement », mais mettait en cause « la précipitation et l’impréparation » des annonces. « En six mois, les régions n’ont obtenu ni le détail des estimations de coût, ni les garanties de compatibilité des systèmes de distribution de la billettique », a abondé l’association Régions de France, qui demandait dans un communiqué « du travail sérieux » et « qu’une garantie soit donnée d’une couverture nationale de cette offre en 2025 ».
L’instauration de ce forfait mensuel permettant de voyager de manière illimitée sur le territoire en trains Intercités et TER, inspiré de l’exemple allemand, avait été promise par le président de la République, Emmanuel Macron, en septembre. « Bien entendu, le gouvernement reste ouvert et nous continuerons à faire ces propositions pour 2025 », a affirmé M. Vergriete, qui « n’a pas envie de lâcher le morceau ».
Un passe rail estival uniquement réservé aux jeunes a déjà existé en France en 2020 et 2021. Il concernait les moins de 27 ans, qui, pour 29 euros par mois, pouvaient emprunter n’importe quel TER partout en France – sauf en Ile-de-France –, mais pas les Intercités.