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Soupçonné d’avoir agressé plus tôt dans la journée le rabbin d’Orléans, un jeune homme a été interpellé samedi 22 mars soir, a annoncé dimanche à l’Agence France-Presse (AFP) la procureure de la République d’Orléans, Emmanuelle Bochenek-Puren. Le rabbin d’Orléans, Arié Engelberg, a été « frappé à la tête, mordu à l’épaule et insulté » samedi vers 13 h 30, alors qu’il se trouvait dans la rue et rentrait de la synagogue, en compagnie de son fils de 9 ans, a révélé France 3 Centre-Val de Loire, ce qu’a confirmé une source proche du dossier à l’AFP.
Une enquête a été ouverte pour « violences volontaires commises en raison de l’appartenance réelle ou supposée de la victime à une religion » contre l’agresseur, qui avait pris la fuite, a déclaré Mme Bochenek-Puren. Le suspect, âgé de 16 ans et inconnu des services de renseignement, a été interpellé par des policiers de la BAC vers 21 h 45 et placé en garde à vue, a précisé une source proche du dossier. Toutefois, « l’identité de la personne gardée à vue n’est pas établie de manière certaine à ce stade et est en cours de vérification », a précisé la procureure, puisque l’adolescent « a déclaré une identité sans être porteur des documents qui l’établissent ».
Le jeune homme a été identifié par la victime et est connu sous au moins trois identités, une marocaine et deux palestiniennes, selon une autre source proche du dossier.
Plusieurs personnes venues au secours du rabbin
Dimanche soir, Arié Engelberg a témoigné sur BFM-TV, racontant qu’il rentrait chez lui, samedi vers 13 h 30, accompagné de son fils quand il a été agressé. Le suspect lui a demandé s’il était juif. « J’ai répondu “oui” », a dit M. Engelberg. « Il a commencé à dire “tous les juifs sont des fils de…” », a poursuivi le rabbin, qui a raconté que son agresseur voulait le filmer avec son téléphone et l’insultait. « J’ai décidé d’agir et j’ai poussé son téléphone » ; le jeune homme « a porté des coups, je me suis protégé ». Le suspect l’a ensuite mordu, a encore décrit M. Engelberg, qui a été secouru par plusieurs personnes. « Grâce à Dieu, je vais bien ; mon fils, ça va de mieux en mieux. On a reçu énormément de soutien », a-t-il encore déclaré.
« J’ai vu plusieurs coups, au moins trois ou quatre et assez violents » portés au rabbin, avait décrit plus tôt un témoin sur BFM-TV. « Il avait un petit peu de sang au niveau du cou, il était choqué, ça avait été violent », a-t-il poursuivi, ajoutant : « J’ai tout de suite compris que c’était antisémite quand j’ai vu l’agresseur mettre un coup de pied (…) dans le chapeau du rabbin. » « Tout le monde était un peu sidéré » parmi les personnes présentes et qui ont aidé M. Engelberg, a rapporté ce témoin.
Ne pas céder « ni au silence ni à l’inaction »
« L’agression du rabbin Arié Engelberg à Orléans nous choque tous. Je lui adresse, ainsi qu’à son fils et à tous nos compatriotes de confession juive, tout mon soutien et celui de la nation. L’antisémitisme est un poison. Nous ne céderons ni au silence ni à l’inaction », a réagi Emmanuel Macron, dans un message publié sur X. Invité sur BFM-TV à la mi-journée, le ministre de la justice, Gérald Darmanin, a, lui aussi, condamné un acte antisémite, estimant que cette nouvelle agression « démontre que nos compatriotes juifs sont très menacés, partout dans le monde et bien sûr en France ».
« Il faut aussi que les hommes et les femmes politiques, quels qu’ils soient, arrêtent avec l’ambiguïté » sur l’antisémitisme, a poursuivi M. Darmanin, ciblant directement « les dirigeants de La France insoumise », et évoquant l’affiche reprenant des codes antijuifs des années 1930 pour caricaturer Cyril Hanouna qui a été diffusée récemment par le mouvement, avant d’être retirée.
Comme de nombreux représentants politiques, le chef de file du mouvement « insoumis », Manuel Bompard, a condamné « l’agression violente du rabbin d’Orléans », dans un message posté sur X, la qualifiant d’« insupportable » et appelant « plus que jamais [à s’unir] pour combattre l’antisémitisme et tous les racismes ». A l’extrême droite, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a dénoncé sur X une « nouvelle manifestation de la fièvre antisémite qui monte dans notre pays, alimentée par une extrême gauche incendiaire ».
« Non, l’antisémitisme n’est pas “résiduel” », avait réagi dès samedi soir le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Yonathan Arfi, sur X, en référence à des propos de Jean-Luc Mélenchon en 2024. « Ceux qui minimisent, relativisent ou justifient la haine des juifs par un conflit à 4 000 kilomètres portent une immense responsabilité », a-t-il écrit.
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Le ministre des affaires étrangères israélien, Gideon Saar, a dénoncé sur X « une attaque infâme et un acte intolérable ». « La résurgence de l’antisémitisme en France et en Europe n’est pas seulement alarmante, mais c’est un appel à agir pour les gouvernements et les dirigeants européens ainsi que la société civile », a-t-il ajouté.
Appels à des rassemblements
Environ 300 personnes se sont rassemblées dimanche en fin de journée place de la Bastille à Paris à l’appel de l’Union des étudiants Juifs de France et de l’Union des lycéens juifs de France, a constaté l’AFP. « C’est la énième manifestation pour tirer la sonnette d’alarme auprès du gouvernement et des Français sur l’état de l’antisémitisme », a déclaré Ethan Benaroche, étudiant, présent à la manifestation. « Même si je ne me sens pas en sécurité, ce n’est pas pour autant qu’on doit baisser la tête. On doit montrer qu’on peut très bien vivre en France en étant juif », a-t-il ajouté. Une marche silencieuse « en soutien au rabbin » et « contre l’antisémitisme » était également prévue mardi à 18 heures à Orléans, à l’appel de plusieurs associations juives locales.
Le maire d’Orléans, l’ancien membre des Républicains Serge Grouard (divers droite), s’est rendu en fin de matinée à la synagogue de la ville, située derrière la cathédrale, pour s’adresser à la communauté juive qui tient – hasard du calendrier – son assemblée générale annuelle dimanche, selon un journaliste de l’AFP sur place. Sur X, le maire a dénoncé « une atteinte grave aux valeurs de notre République », estimant que « certains partis et leaders politiques, par leur silence complice ou leurs déclarations choquantes, légitiment cette dérive dramatique ».
En 2024, un total de 1 570 actes antisémites a été recensé en France, selon le ministère de l’intérieur. Ils représentent 62 % des actes antireligieux et dans 63 % sont constitués d’atteintes à la personne. Le CRIF avait déploré en janvier un niveau « historique » de ces attaques pour la deuxième année d’affilée, avec une « explosion » enregistrée après le 7-Octobre, date de l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien du Hamas en Israël.