Le préfet de la Martinique va instaurer, jeudi 10 octobre, un couvre-feu de 21 heures à 5 heures et interdire les manifestations et les rassemblements sur l’île en raison des violences urbaines liées au mouvement de contestation contre la vie chère, a appris l’Agence France-Presse (AFP) d’une source préfectorale.
Des magasins ont été incendiés ou pillés dans la nuit de mercredi à jeudi et des barricades enflammées érigées dans plusieurs communes de la Martinique, qui présentait un visage de désolation à la suite de ces violences qui ont fait vingt-six policiers et gendarmes blessés, dont un par balle. Un homme a par ailleurs été tué par balle dans des circonstances encore indéterminées : il a été retrouvé blessé par les gendarmes qui intervenaient contre le pillage d’un centre commercial et est décédé à l’hôpital, selon la préfecture, qui a précisé qu’« aucun policier [ni] aucun gendarme n’a fait usage de son arme » au cours de la nuit.
Depuis septembre, l’île est marquée par un mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les territoires d’outre-mer, qui a dégénéré avec des violences urbaines. La situation s’était calmée ces dernières semaines, mais des incidents sont survenus lundi entre les CRS et des militants qui menaient une action de blocage contre la vie chère au Lamentin, près de Fort-de-France. Depuis, des violences sont à nouveau recensées chaque nuit.
Le ministre chargé des outre-mer, François-Noël Buffet, a condamné jeudi « avec la plus grande fermeté » les violences qui ont éclaté dans la nuit et a exhorté les citoyens « à éviter toute escalade de la violence et à privilégier le dialogue ». Le ministre a précisé que « des réponses concrètes » aux attentes des citoyens devaient être apportées dans la journée, « lors de la table ronde locale, en vue de solutions durables ».
Une table ronde prévue pour jeudi
A 2 heures, heure locale (8 heures à Paris), de fortes détonations se faisaient toujours entendre à Schoelcher, une commune mitoyenne de Fort-de-France, selon un journaliste de l’AFP. De nombreuses vidéos circulaient sur les réseaux sociaux, montrant notamment une barricade enflammée sur la rocade de Fort-de-France et des jets de projectiles visant les véhicules tentant de la contourner.
Le principal point de tension de la journée de mercredi a été la commune du Carbet (Nord) sur la route nationale 2 (RN2), où « quatre gendarmes ont été légèrement blessés » alors qu’ils effectuaient, avec succès, une opération de levée de barrage, a précisé la préfecture. Un bâtiment municipal, servant de poste avancé à la toute nouvelle brigade territoriale mobile basée dans la commune, a en outre été totalement incendié.
Les forces de l’ordre et les manifestants s’étaient fait face dès 6 heures mercredi au niveau de ce barrage installé sur la RN2, l’axe principal reliant le nord-ouest de la Martinique et le centre de l’île, bloquant des centaines de véhicules. « La gendarmerie, avec l’appui du maire, a tenté, toute la matinée, par le dialogue et la discussion, de progressivement faire lever ce point de blocage. Face à l’agressivité de certains individus (…) qui les ont bombardés de projectiles, les gendarmes ont fait usage de la force », a précisé la préfecture dans un communiqué.
Les protestataires avaient installé ce barrage dans le cadre d’une opération baptisée « île morte », dénonçant notamment « les violences exercées par [les policiers de la] CRS 8 » lundi envers des militants contre la vie chère bloquant un important axe routier du Lamentin. Plusieurs opérations escargot ont été menées sur les routes de l’île avant de converger vers le centre-ville de Fort-de-France peu avant la mi-journée, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les Antilles françaises, a été lancé début septembre par le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), qui exige un alignement sur l’Hexagone des prix des produits alimentaires, qui sont 40 % plus chers en Martinique.
Quatre tables rondes ont été organisées par les autorités depuis le début de la crise, sans issue satisfaisante pour les protestataires. Une cinquième est prévue jeudi afin de « présenter le plan d’action » des autorités, a annoncé la préfecture.