Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé, lundi 12 février, que le projet de loi concernant Mayotte serait déposé « avant l’été » ; « plusieurs moments » seront possibles, selon lui, pour l’examen de la réforme constitutionnelle afin de supprimer le droit du sol sur l’île. Il a précisé que la ministre déléguée chargée des outre-mer, Marie Guévenoux, retournerait « dans un mois à Mayotte » et qu’il s’y rendrait « dans trois mois, quand (…) le projet de loi » sera prêt. Il s’agira, selon le ministre, d’un « projet de loi d’urgence, mais qui ne prévoira pas que des questions migratoires parce que Mayotte, c’est aussi un territoire magnifique ».
L’île est toujours paralysée par des Mahorais qui ont installé depuis le 22 janvier des barrages pour protester contre l’insécurité et l’immigration, qu’ils jugent incontrôlée.
Vivement critiquée par la gauche, qui a déjà annoncé son refus de voter le texte, la mesure choc a été dévoilée dimanche par le ministre de l’intérieur et la ministre déléguée lors d’une visite éclair dans l’archipel de l’océan Indien. L’exécutif entend engager la révision constitutionnelle nécessaire sans tarder. « Il faut que nous allions très vite », a fait savoir dès dimanche le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti. « On voit le président tout à l’heure, en fin d’après-midi », pour lui faire « un retour de notre déplacement », a déclaré Mme Guévenoux, lundi au micro de Franceinfo.
A Mayotte, lundi, les barges qui relient Grande-Terre et Petite-Terre étaient toujours à l’arrêt et les barrages en place. « Il est hors de question de lever les barrages pour le moment », a déclaré dans la matinée à l’Agence France-Presse Safina Soula, la présidente d’un des collectifs de citoyens.
Courrier du ministre attendu par les manifestants
« Nous nous sommes mis d’accord avec le ministre, nous attendons des écrits », a-t-elle précisé, avant d’ajouter : « Nous lui laissons jusqu’à mercredi pour recevoir ce courrier (…), nous verrons si le contenu est conforme à nos attentes. »
Dimanche, M. Darmanin a précisé qu’un courrier d’engagement devait être envoyé dès le début de la semaine au collectif Forces vives, qui pilote le mouvement, et aux élus locaux. « J’ai cru comprendre qu’après avoir reçu ce courrier les barrages seraient levés », a-t-il anticipé. Sur RTL, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Libertés, indépendants, outre-mer et territoire) a dit espérer « une levée des barrages à partir de mercredi ».
Département français le plus pauvre de France, Mayotte est peuplée de 310 000 habitants, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) – probablement beaucoup plus, selon la chambre régionale des comptes –, dont 48 % d’immigrés comoriens ou venant d’autres pays d’Afrique.
La plupart arrivent clandestinement à bord de barques de pêche traditionnelles de l’île comorienne d’Anjouan, distante de seulement 70 kilomètres. Beaucoup vivent dans des bangas (cases) insalubres organisés en bidonville.
La fin du droit du sol à Mayotte permettra, selon M. Darmanin, de supprimer les titres de séjour territorialisés, un dispositif empêchant les détenteurs d’un titre de séjour mahorais de venir dans l’Hexagone et dont les collectifs d’habitants en colère demandent la suppression. Le nombre de titres de séjour émis à Mayotte diminuera de 90 % avec ces nouvelles mesures et le durcissement du regroupement familial permis par la récente loi « immigration », selon l’entourage du ministre.
Mesure attendue par l’extrême droite
Pour tenter d’enrayer ce flux, M. Darmanin s’est décidé à supprimer le droit du sol, une mesure qu’il a lui-même décrite comme « extrêmement forte, nette, radicale ». « Il ne sera plus possible de devenir français si on n’est pas soi-même enfant de parent français », a-t-il affirmé.
Même si elle doit rester « évidemment circonscrite à l’archipel de Mayotte », selon le ministre, la mesure divise déjà largement les oppositions. « Pour résoudre les problèmes de Mayotte, on n’a pas besoin de moins de République, on a besoin de plus de République, et donc certainement pas le fait d’entamer le droit du sol », a déclaré sur CNews/Europe 1 le député « insoumis » Manuel Bompard, alors que la gauche s’oppose à toute remise en cause du droit du sol.
A l’extrême droite, le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, s’est félicité de l’annonce, estimant sur Franceinfo : « C’est un bon début, puisque ça fait vingt ans que nous [le RN] réclamons la suppression du droit du sol pour l’intégralité du pays. »
La suppression du droit du sol sur l’île sera soumise au vote du Parlement dans un projet de loi qui sera bientôt déposé à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Or, « il y a des réformes constitutionnelles qui arrivent », qui concerneront la Nouvelle-Calédonie, l’interruption volontaire de grossesse et la Corse, a rappelé le ministre de l’intérieur. « Donc nous avons plusieurs moments de réformes constitutionnelles possibles (…), mais là il appartient au président de la République de choisir son moment puisqu’il en discute avec les forces politiques. »