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Sigmund Freud, le conquérant des Lumières sombres

by Marko Florentino
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Sigmund Freud, assis à côté de son célèbre divan, dans son cabinet viennois, en 1933.

Après des décennies de haine et d’hagiographie, après les multiples retours à Sigmund Freud (1856 – 1939) qui ont ponctué l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle, il est devenu difficile de retracer l’itinéraire de l’homme qui, par sa doctrine et par le rayonnement mondial de ses inventions cliniques, fut à la fois un conservateur éclairé, un émancipateur des femmes et de la sexualité, un désillusionneur de l’imaginaire humain, un héritier du romantisme allemand, un dynamiteur des certitudes de la conscience et enfin un juif viennois, déconstructeur du judaïsme et des identités de territoire, tout aussi attaché à la tradition des tragiques grecs qu’à l’héritage du théâtre shakespearien. Voilà donc l’homme qui se prenait pour Christophe Colomb et qui admirait Michel-Ange, Léonard de Vinci, Hannibal, Napoléon, Darwin. Voilà l’homme qui, tout en s’étant tourné vers la science la plus rigoureuse, avait consommé de la cocaïne pour soigner sa neurasthénie et cru découvrir, en 1884, ses vertus digestives. Voilà aussi l’homme qui n’hésita pas à s’aventurer dans le monde de l’irrationnel.

Plutôt que de commenter les 23 livres ou les 123 articles de l’œuvre complète, et à la place de faire l’exégèse des milliers de lettres recueillies dans ses correspondances, je préfère évoquer quelques moments d’une existence afin de dessiner les contours d’un nouveau Freud du XXIe siècle, un Freud moins figé qu’il ne le fut auparavant par les écoles psychanalytiques ou par ses détracteurs.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – Une vie, une œuvre : Sigmund Freud », juillet-août 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Je voudrais donc oser un autre Freud, littéral, immergé dans le quotidien : le Viennois, le clinicien, le penseur politique, le voyageur, l’ami des animaux, le fils aimé de sa mère, jaloux de sa fille, et toujours aux prises avec la sexualité féminine et avec l’amitié qu’il vouait aux femmes intellectuelles, l’homme enfin que les nazis regardaient, à juste titre, comme leur plus grand ennemi. Au point que, depuis Thomas Mann, qui fut le premier à ­opposer sa destinée à celle d’Hitler, il est ­fréquent que l’on compare la vie de l’illustre savant à celle du dictateur abject.

Une théorie interprétative de l’inconscient

Durant l’année 1909, les deux hommes séjournaient à Vienne. Agé de 53 ans et entouré de ses disciples, qui formaient autour de lui une sorte de banquet platonicien, Freud était en train de conquérir le monde par ses idées sur l’âme humaine. Sans rien savoir de cette révolution, Hitler errait dans les rues en se prenant pour un artiste et en lançant des anathèmes contre les juifs, les communistes, les bourgeois, les élites. Habité par la jouissance du mal, il sera, un quart de siècle plus tard, le destructeur de la psychanalyse européenne, de sa langue, de sa doctrine, de ses représentants, de ses institutions et des quatre sœurs de Freud – Maria, Adolfine, Paula, Rosa  – disparues dans les ténèbres du génocide.

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