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A Brownsville, au Texas, le boom économique d’une Amérique oubliée

by Marko Florentino
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C’était en 1849 : fraîchement débarqué de Pologne à New York, Louis Cowen part pour la Californie en pleine ruée vers l’or. Il emprunte la voie du Sud, pour éviter les Indiens. Mais ce fils de rabbin est dépouillé en chemin et, ne pouvant pas aller plus loin, s’arrête à Brownsville, fort militaire tout juste créé pour faire face aux Mexicains, à l’embouchure du Rio Grande. Cent soixante-quatorze ans plus tard, en 2023, son arrière-arrière petit-fils, John Cowen, a été élu maire de la ville, bizarrement devenue l’eldorado rêvé de son aïeul.

Après avoir végété pendant des décennies, Brownsville s’est en tout cas transformée en un petit centre du monde : Joe Biden y a vanté sa politique de gestion des demandeurs d’asile ayant franchi le Rio Grande. Elon Musk y a installé sa base SpaceX, sur le site de Boca Chica, créant au moins 2 100 emplois. C’est de là qu’il lance devant les spectateurs du monde entier ses lanceurs géants censés atteindre la Lune, et, qui sait, Mars. « Gateway to Mars », lit-on à l’entrée du poste de lancement.

Enfin, la société pétrolière NextDecade, dont le français TotalEnergies est l’un des principaux partenaires, veut investir 18,4 milliards de dollars (16,8 milliards d’euros) dans un terminal méthanier alimenté par un pipeline venant des gisements plus au nord du Texas. Après les ports géants de Houston, de Port Arthur ou de Corpus Christi, Brownsville touche enfin la manne des hydrocarbures grâce à la guerre en Ukraine, qui oblige les Européens à s’approvisionner en gaz américain.

John Cowen, le maire de Brownsville (Texas), dans son bureau, le 21 août 2024. John Cowen, le maire de Brownsville (Texas), dans son bureau, le 21 août 2024.

« Nous étions la communauté la plus pauvre des Etats-Unis. Nous ne figurons plus dans le classement des dix agglomérations les plus déshéritées », se réjouit le maire John Cowen, dans un café branché servant aussi de magasin de vélo. Bien sûr, il y a eu des résistances, des critiques pour l’environnement, contre la gentrification de cette ville de 200 000 habitants et hispanique à plus de 90 %, mais le maire est décidé à avancer. « Certaines personnes ne veulent aucun changement. Mais je ne suis pas d’accord avec le statu quo ni avec le fait de rester une ville pauvre. »

Une ville frontière

Le destin de la ville de Brownsville offre un démenti de la lecture qui prévalait à propos des Etats-Unis après la grande crise financière de 2008 et avant l’élection de Donald Trump, en 2016, soit celle d’un pays en voie de paupérisation et de désindustrialisation. Depuis dix ans, l’Amérique a changé, se couvrant d’usines et profitant d’une énergie très abondante – le gaz et les renouvelables – tandis que les bas salaires remontent la pente. Insensiblement, les Américains ont retrouvé l’esprit pionnier.

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