C’est la première fois qu’elle entre dans la petite boutique située juste en dessous de son appartement. Dix ans dans le même immeuble, dix ans qu’elle croise la femme dans le hall d’entrée, à l’aube ou en début de nuit, en train d’ouvrir-fermer, toujours en survêt’, polaire, claquettes avant de l’entre-apercevoir de temps à autre métamorphosée, rouge à lèvres rouge rouge, dentelles et bas noirs, dans l’embrasure de la porte quand elle aère. Dix ans que, depuis le café situé juste en face, assise derrière la vitrine, elle boit son latte avoine à sept balles et juge à fond la caisse les gars, toujours vieux, toujours laids, qui sortent du salon, remontant le Zip de leur blouson, glissant leurs mains dans les poches.
Elle boit son café et ne veut pas imaginer ce qui se passe derrière la devanture, sur laquelle est écrit « Beauté Hommes et femmes, massage 7/7, 24/24 ». Sous l’inscription, une image autocollante sur la vitre représente une femme nue allongée sur le ventre, une fleur de gardénia dans les cheveux. Son visage est coupé en deux par un gros « Welcome » en lettres néon rouges entourées de points clignotants tour à tour en bleu, en jaune. En fond, la mer, le ciel, une mouette surdimensionnée encadrée de deux palmiers.
Il vous reste 73.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
