A l’entrée de l’austère palais de Stormont, siège de l’Assemblée nord-irlandaise sur les hauteurs de Belfast, les agents de sécurité accueillent les visiteurs avec le sourire. Le hall bourdonne d’activité : des journalistes guettent la fin des débats à la Chambre des députés, des conseillers ministériels se pressent, dossiers sous le bras, des écoliers patientent sous les portraits du dirigeant unioniste (probritannique), Ian Paisley, ou du nationaliste (proréunification), Martin McGuinness, deux géants de la politique locale. L’air est à l’optimisme, en ce début mars, alors que l’Assemblée nord-irlandaise a enfin repris le travail, après deux ans de paralysie due au boycott des unionistes, mécontents que le Brexit ait distendu les liens avec Londres en introduisant une frontière douanière en mer d’Irlande.
Le 30 janvier, Jeffrey Donaldson, chef de file du Parti unioniste démocrate (DUP), a accepté de siéger de nouveau à Stormont en échange d’un chèque de 3,3 milliards de livres sterling (environ 3,8 milliards d’euros) du gouvernement britannique pour l’Irlande du Nord et de l’assurance que le Windsor Framework, l’accord entre Bruxelles et Londres sur le statut post-Brexit de la province, limitera les contrôles douaniers avec le reste du Royaume-Uni.
Mais le retour à la normalité politique n’est qu’apparent. Car, pour la première fois dans l’histoire de cette nation du Royaume-Uni, issue de la partition de l’Irlande, en 1921, et conçue comme un sanctuaire protestant, la direction de l’exécutif revient au Sinn Fein, le principal parti proréunification de l’Irlande. L’ex-branche politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) est en effet arrivée en tête aux élections régionales nord-irlandaises de mai 2022.
Le Sinn Fein en tête dans les sondages
Michelle O’Neill, la vice-présidente du parti, présent dans le nord et dans le sud de l’île, peut enfin exercer ses responsabilités de première ministre. Certes, la marge de manœuvre de cette politique expérimentée de 47 ans est limitée : elle ne peut prendre aucune décision sans sa vice-première ministre, Emma Little-Pengelly, une avocate de 44 ans, membre du DUP et ancienne conseillère de Ian Paisley – les députés unionistes et nationalistes sont également censés colégiférer à l’Assemblée. Mais les symboles sont importants dans cette partie du Royaume-Uni toujours marquée par les rivalités communautaires, plus de vingt-cinq ans après l’accord du Vendredi Saint ayant mis fin à des décennies de conflit entre protestants (unionistes) et catholiques (nationalistes).
Il vous reste 71.24% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.