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En Nouvelle-Calédonie, colère et espoirs de quatre entrepreneurs, kanak ou « métro », qui ont construit leur « pays »

by Marko Florentino
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L’éclatement de la révolte indépendantiste, mais surtout les violentes exactions qui l’ont accompagnée depuis le 13 mai ont bouleversé la vie des citoyens de Nouvelle-Calédonie, qu’ils soient enracinés de longue date ou plus récemment arrivés sur le territoire. C’est parfois l’heure des remises en cause pour ceux qui estimaient avoir participé à la construction d’un « pays » grâce aux années de paix permises par les accords politiques de Matignon, en 1988, et de Nouméa, en 1998. Libraire, entrepreneur de l’agroalimentaire, restaurateur, créatrice de mode : quatre d’entre eux témoignent de leurs questionnements et de leur volonté de changement.

Cathie Manné, libraire : « Il faut que les politiques laissent la place aux gens »

Cathie Manné dans sa librairie, Calédo Livres, à Nouméa, le 5 juin 2024.

Entre ces quatre murs, sur les rayonnages de la librairie, tout ce que la Nouvelle-Calédonie compte d’historiens, de romanciers, de poètes ou de photographes, côtoie la littérature océanienne dans son ensemble. Place des Cocotiers, au cœur de Nouméa, Cathie Manné porte à bout de bras depuis huit ans l’espace apaisé de Calédo Livres. L’explosion violente du 13 mai qui a plongé le territoire dans le chaos ? « Je la vis comme un échec », confie-t-elle. A quoi ont servi les livres ? L’éducation ? « La connaissance, le partage, tout cela est parti en fumée. La violence a gagné alors qu’on aurait pu faire tellement bien, dans ce pays de 270 000 personnes. Je suis dévastée. »

Cathie Manné est arrivée sur le Caillou dans les années 1970, petite fille. Son père avait trouvé un emploi dans le bâtiment, sa mère travaillait auprès du docteur Edmond Caillard, gaulliste et résistant, une figure engagée auprès de la droite locale. « Ce pays fut une révélation pour moi. C’était la liberté et la nature. J’allais ramasser les mandarines à Houaïlou avec les Kanak, chasser le cerf et la roussette sur la propriété de bons Caldoches. » Engagée dans l’armée pour pouvoir payer ses études de gestion en France, la jeune femme s’y est sentie « décalée ». « Ce n’était pas la même générosité ! »

Porter « l’identité du pays » et « la parole des gens d’ici », tel fut l’objectif de la première maison d’édition néo-calédonienne montée par Laurence Viallard dans les années 1990. Le poète Denis Pourawa, l’historien Ismet Kurtovitch, et la militante indépendantiste kanak Déwé Gorodey furent les « petits grains de sable » de la collection qui a germé alors. Cathie a travaillé pendant une vingtaine d’années dans ce cadre, avant de créer une société de distribution, puis de reprendre la librairie de la place des Cocotiers. Celle-ci a été sauvée en 2016 par une souscription publique, à l’initiative de la romancière Claudine Jacques.

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