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En Turquie, le dur labeur des saisonniers syriens, dans la plus totale précarité

by Marko Florentino
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Des enfants syriens jouent dans une rue de la ville turque de Gaziantep, le 25 février 2021.

A Gaziantep, dans ce Sud profond turc, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne, la saison de l’ail et des pistaches n’a pas encore commencé. La récolte du coton est pour septembre. L’heure est au séchage des poivrons, des piments et des aubergines étendus à perte de vue sur des terres de couleurs vives, jaune, rouge et noir, flanquées de collines âprement tisonnées par un ciel de feu. Ici, sur les hauteurs de la petite ville périphérique d’Oguzeli, une petite dizaine de Syriens s’échinent sur la récolte du jour. Certains ont des gants, un couteau pour simple outil et des montagnes de cageots à remplir avant la venue de camions hors d’âge, vestiges d’une prospérité éphémère. Un monde de labeur, de sueur et de silences, entièrement livré à l’exploitation et à la misère.

Abdullah Zahra, 17 ans, venu d’Alep en 2012 pour échapper avec toute sa famille à la guerre en Syrie, a commencé à travailler dans ces champs il y a deux ans, depuis qu’il a quitté l’école, où il a très vite appris à parler le turc. « Je préfère être ici, glisse l’adolescent d’une voix basse, même si c’est dur, très dur. » Avec ses trois frères, ses parents et un oncle, Abdullah vit dans un appartement en ville. « Notre famille s’en sort plutôt bien, dit-il. La plupart des travailleurs saisonniers comme nous habitent dans des tentes plus ou moins près des serres ou des terres agricoles. »

« Jusqu’à quinze heures par jour »

Le travail commence au lever du jour et se termine au coucher, entre dix à onze heures dans les champs, sept jours sur sept, avec un jour de pause tous les quinze jours, en fonction de l’activité. Le visage marqué par la fatigue, Abdullah affirme gagner 600 livres turques par jour, l’équivalent de 17 euros, soit environ 450 euros par mois, les bons mois. A cette somme s’ajoute l’aide mensuelle octroyée aux familles syriennes par le gouvernement turc et l’Union européenne, entre 500 et 700 livres turques par personne et par enfant (entre 14 et 20 euros). « Au total, c’est peu », ose-t-il. Insuffisant, ne serait-ce que pour atteindre le salaire minimum turc (17 500 livres turques, soit un peu plus de 500 euros), qui est déjà lui-même juste en deçà du seuil de pauvreté.

« En juin, précise-t-il, nous serons plus nombreux, le travail sera plus intense, jusqu’à quinze heures par jour. » Après, il travaillera encore trois mois, selon la demande. Peut-être à Urfa, à l’est, ou dans la région de Mersin, voire peut-être à Antalya, encore plus à l’ouest, quelque part en tout cas le long de cet axe sud turc, où les terres baignées de chaleur regorgent de fruits et légumes, et consument une grande part de la main-d’œuvre saisonnière à vil prix. Les chiffres varient, mais le pays compte près de 3 millions de travailleurs agricoles saisonniers, dont moins d’un tiers est déclaré. Il y a encore une dizaine d’années, plus des trois quarts des ouvriers agricoles saisonniers étaient d’origine kurde. La donne a brutalement changé depuis l’arrivée des réfugiés syriens.

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