Passé par Fauchon, Ladurée et le Plaza Athénée, Christophe Michalak est aussi un habitué du petit écran. A la tête de la marque qui porte son nom depuis 2013, le pâtissier ouvrira trois nouvelles adresses à Paris d’ici à l’été.
« Le flan, c’est ma madeleine de Proust. A chaque fois que je voyage, ou que je me lève tôt le matin, je m’en offre un. J’ai grandi à Chamant, en Picardie, où ma maman était aide-soignante. Elle bossait de nuit et faisait des ménages le jour. J’étais gardé par ma grand-mère, qui ne cuisinait pas du tout, c’était purée Mousline, raviolis Buitoni, du grand n’importe quoi, mais… elle achetait chez [le boulanger] monsieur Carbonneaux, à Senlis, un flan énorme, 26 centimètres de diamètre. Quand j’avais 7-8 ans, je m’en tapais au moins la moitié dans la journée, une part le matin, une autre le midi, puis au goûter… J’adorais ça. Dans la famille, on m’appelait Bouboule ou Monsieur Flan.
Quand j’ai commencé un apprentissage, je préparais un flan avec un mélange d’eau, de sucre, et de la poudre qu’on versait dans une pâte sucrée. C’était le flan du pauvre, mais j’appréciais quand même. Au Plaza Athénée, j’en faisais un sans pâte, mais un flan dans un palace dans les années 2000, ça n’intéressait pas grand monde. A part [le chef de cuisine Alain] Ducasse, qui adorait ça sous forme de mignardise.
A Paris, après le cookie et le macaron, la mode du flan a débuté vers 2015. Moi, je suis assez basique : je pensais que le pâtissier qui ferait le meilleur flan aurait le plus de succès. En fait, on a vu fleurir pas mal d’idées à la con, comme des flans au cookie. Quand on est jeune, on veut se prouver des choses, se montrer qu’on est un bonhomme, qu’on a de la technique. C’est normal, c’est un passage. Mais on va trop loin dans le délire Insta[gram]. Moi, ce que je recherche aujourd’hui, c’est la simplicité.
Ça fait dix ans que je suis sur le sujet flan et ça doit faire trois ans que je n’ai plus touché à ma recette, ce qui est assez phénoménal à mon échelle. Si je goûte un meilleur flan que chez moi, je n’en dors pas de la nuit. J’en ai trouvé plein de géniaux, basique chez Léonie, crémeux chez Yann Couvreur, version pâte feuilletée chez Ladurée… Les goûter me fait toujours avancer.
Le goût des œufs fermiers
Le mien, je ne dis pas que c’est le meilleur flan de Paris, ce serait trop prétentieux, mais c’est celui que j’aime manger. Je ne voulais pas de pâte feuilletée parce qu’elle s’humidifie toujours trop vite, donc j’ai travaillé une pâte à gâteau basque avec de la cassonade qui reste croustillante tout au long de la journée. Et je n’en mets pas sur les bords. Je trouve ça génial de ne pas avoir la croûte, qui est le bout de trottoir dont tu n’as jamais envie.
Pour moi, le flan, c’est le goût des œufs fermiers. Et un pourcentage de crème liquide, ça fait toujours du bien, de la vanille aussi. Et de la fleur d’oranger, j’adore ça ! Je mixe mon appareil pour avoir une crème très lisse. Il cuit moins de trente minutes. Et surtout, je le mange tout juste sorti du frigo. Un flan qui reste deux heures dehors, ça me fait péter les plombs !
Le flan, c’est du bon sens. Il faut qu’il soit sexy. Qu’il se découpe parfaitement. Qu’il puisse être transporté. Qu’il donne de l’émotion grâce à sa texture, sa température, son goût. Depuis que j’ai passé l’âge de 50 ans, je pense aussi à la digestion. Il y a peu de farine et des produits nobles, de qualité, mais je n’ai pas envie d’en faire des arguments marketing. Certains confrères en font trop là-dessus. Si c’est très bon, si ça fait plaisir, on a réussi notre métier. »
La dégustation
Vendu entier uniquement, ce flan est bien gaulé : parfaitement rond, pas trop haut, doré sans être brûlé. A la première bouchée, le goût de fleur d’oranger et la pâte à gâteau basque déstabilisent. Une hérésie ? Passé la surprise, on s’y fait d’autant mieux que les goûts et textures sont très harmonieux.
Flan parisien pour 4-5 personnes, 20 euros. 60, rue du Faubourg-Poissonnière, Paris 10e. https://www.christophemichalak.com/