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« Le Viol. Anatomie d’un crime, de Lucrèce à #metoo », de Mithu Sanyal

by Marko Florentino
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En mai, à Toulouse, lors d’une manifestation féministe organisée contre la sortie d’un film de Roman Polanski.

« Le Viol. Anatomie d’un crime, de Lucrèce à #metoo » (Vergewaltigung. Aspekte eines Verbrechens), de Mithu Sanyal, traduit de l’allemand par Vincent Langlois et Gerrit Wetter, Ecosociété, 284 p., 22 €.

Nous convoquons bien plus volontiers l’histoire de la ­Romaine Lucrèce, qui s’est donné la mort pour prouver son innocence et laver son honneur après avoir été violée, que celle de la Celte Chiomara qui a, quant à elle, choisi de faire égorger son violeur. Des deux récits restitués par Tite-Live (v. 59 av. J.-C.-17 ap. J.-C.), nous avons laissé le second tomber dans l’oubli pour faire du premier la « figure de référence du viol ». Et c’est là, selon Mithu Sanyal, un indice significatif de notre façon de penser le viol.

Angles morts

Pour approfondir la définition et les implications concrètes de la « culture du viol », qui cristallise nos préjugés les plus tenaces sur les rapports de genre et la sexualité, la journaliste allemande mêle, dans Le Viol. Anatomie d’un crime, de Lucrèce à #metoo, une analyse historique, sociale et juridique du viol à un récit des derniers épisodes marquants du débat public – de l’augmentation des plaintes relatives à la discrimination sexuelle et au harcèlement sur les campus états-uniens aux sorties « sexistes et vulgaires » de Donald Trump, en passant par le mouvement #metoo.

Plutôt que de retracer cette histoire ­selon un cheminement chronologique, Mithu Sanyal préfère « retracer des lignes narratives » et « rendre visibles des ­connexions », en suivant le fil des « filiations et continuités, afin de mettre en perspective les convictions qui en découlent ». Cette approche lui permet de mettre au jour les angles morts de nos conceptions, que l’on se figure encore le viol exclusivement comme un crime commis par des hommes sur des femmes, oubliant les hommes victimes, ou que l’on tente ­d’expliquer sa terrible banalité en faisant appel aux images éculées de l’« homme fougueux » et de la « femme frigide ».

Remarquant que la déconstruction progressive des stéréotypes de genre ne semble pas atteindre ce type de représentations, elle examine, pour les remettre méthodiquement en question, les « croyances fondamentales qui se sont cristallisées en vérités indiscutables ». Dans le discours public aussi bien que dans la loi, Mithu Sanyal repère par exemple la persistance de la nécessité qu’un viol corresponde à une image d’Epinal pour être reconnu comme tel : qu’il ait été commis par un homme, menaçant et marginal, sur une femme respectable, c’est-à-dire insoupçonnable du moindre désir.

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