Géante de la littérature mondiale, ayant reçu le prix Nobel alternatif en 2018, Maryse Condé nous a quittés dans la nuit du 1er au 2 avril. Née en 1934 en Guadeloupe, elle a produit une œuvre abondante, faite entre autres de sagas, de romans, de pièces de théâtre, d’essais, de contes pour enfants et même de recettes de cuisine.
Ses ouvrages sont en général une invitation au voyage qui conduit le lecteur d’une rive à l’autre de l’Atlantique et fait le lien entre l’Afrique, l’Amérique et l’Europe. Sous sa plume, c’est la géographie, mais aussi l’histoire qui émergent, les petites histoires perdues au milieu de la grande, qu’il s’agisse des empires africains, de la période de l’esclavage, de l’époque coloniale ou du temps présent.
Se trouvant à la confluence d’Aimé Césaire, d’Edouard Glissant et de Frantz Fanon, elle a produit une œuvre universelle : on ne comprend pas bien le monde si on n’a pas lu Maryse Condé. Son œuvre dit la sève, la saveur, l’amertume parfois, mais aussi la force. Tout en se focalisant sur les marginaux de l’histoire, notamment les femmes, comme Tituba, elle révèle la puissance insoupçonnée de ces êtres d’exception qui, sous sa plume, accèdent au statut de légende.
Figure tutélaire
Maryse Condé a beaucoup œuvré pour faire connaître au monde la littérature française et francophone. Aux Etats-Unis, au sein de l’université Columbia (New York), elle a fondé le centre des études françaises et francophones, qui continue à rayonner encore aujourd’hui. Au fil des années, elle était devenue une figure tutélaire, une sage, et c’est tout naturellement à elle que Jacques Chirac avait confié la présidence du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage. Elle a publié un rapport important, à la suite duquel le 10 mai est devenu la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition.
A l’heure où la nation française est si souvent divisée, Maryse Condé constitue une personnalité à la fois engagée et au-dessus de la mêlée, une figure passionnée, mais qui rassemble, impressionne et inspire à la fois.
Nous laissons à ses proches le soin d’établir le lieu où sa dépouille doit demeurer pour l’éternité, mais nous pensons à tout le moins qu’une plaque à son nom devrait être apposée au Panthéon, comme cela avait été fait pour Aimé Césaire : c’est ce que nous demandons aujourd’hui au président de la République, Emmanuel Macron. Maryse Condé pourrait ainsi rejoindre le poète de la négritude, mais aussi Joséphine Baker, Victor Schœlcher, Félix Eboué et tant d’autres figures qui ont fait de la France ce qu’elle est aujourd’hui, et qui sont de fait ce que la nation a de meilleur.
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