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Les douze jurés du procès pénal de Donald Trump à New York doivent délibérer à partir de mercredi 29 mai, au lendemain d’une journée de plaidoiries au tribunal de Manhattan. Leur verdict marquera un tournant pour l’ancien président, candidat à l’élection présidentielle de 2024. Le délibéré des jurés peut prendre plusieurs jours, car ils doivent rendre une décision unanime pour déclarer Donald Trump coupable ou non coupable. En cas de désaccord, un nouveau procès devra se tenir.
Ce procès n’est toutefois pas la seule affaire en cours contre le candidat républicain pour l’élection présidentielle de 2024. Donald Trump a été inculpé quatre fois en 2023 et condamné au civil en février 2024. Retrouvez ci-dessous le résumé de ces affaires.
Les paiements secrets de la campagne de 2016
Procès en cours
Le candidat républicain à l’élection présidentielle de 2016 a comparu, depuis le 15 avril, devant la cour criminelle de Manhattan, à New York, pour avoir « orchestré » une série de paiements dans le but d’étouffer trois affaires embarrassantes avant l’élection de 2016. Il est visé par trente-quatre chefs d’accusation.
Après une journée marathon de plaidoiries finales le 28 mai, au cours de laquelle se sont affrontés deux récits antinomiques, les délibérations du jury doivent commencer mercredi 19 mai. Si M. Trump, qui a plaidé non coupable, était condamné, ce serait la première condamnation pénale d’un ancien président des Etats-Unis. Cela ne l’empêcherait cependant pas de se présenter à la prochaine présidentielle.
Donald Trump avait été formellement accusé en avril 2023 par le procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg, d’avoir « orchestré » une série de paiements pour étouffer trois affaires embarrassantes avant l’élection de 2016. Trois versements sont en cause : un portier de la Trump Tower, qui prétendait avoir des informations sur un enfant hors mariage, a reçu 30 000 dollars pour garder le silence ; une femme qui se présentait comme une ancienne maîtresse a touché 150 000 dollars pour se faire discrète ; et enfin une actrice pornographique, probablement Stormy Daniels, a perçu 130 000 dollars pour taire une prétendue relation extraconjugale.
L’affaire a réellement émergé lorsque le Wall Street Journal a révélé, début 2018, que le milliardaire avait acheté le silence de Stephanie Clifford – le nom réel de l’ancienne actrice X Stormy Daniels – en concluant un accord confidentiel accompagné d’un virement bancaire de 130 000 dollars, exécuté le 26 octobre 2016 par son avocat et homme de confiance d’alors, Michael Cohen. L’arrangement prévoyait que Mme Clifford taise une supposée relation sexuelle qu’elle aurait eue avec Donald Trump en 2006 alors que celui-ci était marié à Melania Trump depuis un an. M. Trump a toujours nié cette liaison.
L’enquête s’est accélérée le 21 octobre 2018, lorsque M. Cohen a admis avoir arrangé le paiement pour M. Trump. L’ex-président avait initialement contesté avoir eu connaissance du paiement, avant de reconnaître avoir remboursé son avocat pour ce paiement, qu’il a qualifié de « simple transaction privée ». Si l’accord passé avec Stormy Daniels était bien autorisé, il pourrait toutefois correspondre à une dépense de campagne. Or, la somme n’apparaît pas dans les comptes du candidat de 2016 : elle a été inscrite comme « frais juridiques » dans les documents de l’entreprise Trump Organization. M. Cohen, qui a plaidé coupable de violation des lois sur le financement électoral et a passé plus d’un an en prison, a été un témoin central, longuement interrogé par la défense lors du procès, et accablé lors des plaidoiries.
La tentative d’entraver la présidentielle de 2020 en Géorgie
Inculpation étatique
Après deux ans et demi d’enquête et avec l’accord d’un grand jury, la procureure de district du comté de Fulton (Géorgie), Fani Willis, a inculpé, en août 2023, Donald Trump et dix-huit autres personnes pour avoir tenté de renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans l’Etat-clé de Géorgie. Parmi les dix-huit autres inculpés, on trouve notamment le conseiller de M. Trump et ancien maire de New York Rudolph Giuliani, son ancien chef de cabinet, Mark Meadows, et un responsable du ministère de la justice sous son administration, Jeffrey Clark.
Une enquête criminelle avait été ouverte le 10 février 2021 pour déterminer si Donald Trump avait tenté de faire pression sur le secrétaire d’Etat de Géorgie, le républicain Brad Raffensperger. Le 2 janvier 2021, lors d’une conférence téléphonique, révélée par la presse dès le lendemain, M. Trump semblait vouloir convaincre son interlocuteur de changer les résultats de l’élection en Géorgie, Etat qu’il a perdu face à Joe Biden. M. Trump a déclaré à M. Raffensperger : « Je veux juste trouver 11 780 voix », ce qui correspondait au nombre de bulletins qui lui manquait pour gagner l’ensemble des grands électeurs attachés à cet Etat.
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Cet appel intervenait après l’échec de tous les recours juridiques de l’équipe Trump devant les tribunaux, les multiples audits et recomptages des voix n’ayant montré aucune trace de fraude électorale massive. Cette conversation faisait également suite à de multiples appels au gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, ainsi qu’à des demandes publiques faites à M. Raffensperger, à des menaces de vengeance politique, à des critiques publiques et à des appels à la démission du gouverneur Kemp.
L’acte d’accusation de 98 pages, rendu public le 14 août 2023, « affirme qu’au lieu de se conformer au processus juridique de la Géorgie pour les contentieux électoraux, les prévenus se sont livrés à une entreprise criminelle en bande organisée pour inverser le résultat de l’élection en Géorgie », a résumé Mme Willis. L’acte contient au total quarante et un chefs d’accusation différents, dont « fausses déclarations et faux documents, usurpation de fonction publique, faux et usage de faux », pressions sur des témoins, une série de délits informatiques ou encore parjure. Donald Trump devra personnellement faire face à treize chefs d’accusation.
Les dix-neuf prévenus sont inculpés en vertu d’une loi en vigueur en Géorgie sur l’extorsion et l’association de malfaiteurs, qui s’applique en général à la criminalité organisée, et prévoyant des peines de cinq ans minimum à vingt ans de prison. La procureure a annoncé vouloir juger tous les prévenus lors d’un même procès « dans les six mois », mais a rappelé que la date en serait fixée par le juge.
Si elle s’ajoute à trois inculpations fédérales, cette inculpation étatique revêt une certaine importance. S’il était condamné et parvenait à remporter la présidentielle en 2024, M. Trump ne pourrait ni se gracier lui-même ni obtenir l’abandon des poursuites par le bureau du procureur. Il s’agit en effet d’une affaire au niveau de l’Etat de Géorgie sur laquelle l’Etat fédéral n’a pas autorité.
Le rôle de Donald Trump dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021
Inculpation fédérale
Il s’agit des accusations les plus sérieuses portées contre l’ex-chef d’Etat, d’autant plus graves qu’il était alors en exercice. M. Trump a été entendu devant le tribunal fédéral de Washington, jeudi 3 août, où il a officiellement été inculpé pour sa tentative de renversement du résultat de l’élection présidentielle de 2020. Face à la juge Moxila Upadhyaya, l’ex-président républicain des Etats-Unis a plaidé non coupable.
Le procureur spécial Jack Smith, qui diligente l’enquête depuis novembre 2022, avait dévoilé deux jours avant que le grand jury – un panel de vingt-trois citoyens, dont douze suffisent pour décider d’une inculpation –, réuni depuis plusieurs mois à Washington, avait approuvé quatre chefs d’inculpation contre l’ancien président :
- complot frauduleux contre les Etats-Unis (diffusion de fausses informations sur la fraude et les machines à voter, pressions sur la justice et sur le vice-président pour l’inciter à rejeter les votes dans les Etats gagnés par Joe Biden, désignation de « faux grands électeurs » dans ces Etats) ;
- complot pour priver les électeurs de leur droit de vote ;
- complot pour faire obstruction à une procédure officielle ;
- obstruction à une procédure officielle (la certification de la victoire de Joe Biden par le Congrès).
L’acte d’accusation, long de 45 pages, suit le déroulé du rapport de la commission parlementaire sur l’assaut du Capitole de décembre 2022, qui avait réclamé des poursuites pénales contre l’ancien président après dix-huit mois d’investigation et plus de mille témoins interrogés. Le grand jury a, lui, pu entendre des témoins qui avaient refusé de se présenter devant la commission parlementaire, tel que l’ancien vice-président Mike Pence et l’ancien chef de cabinet de la Maison Blanche, Mark Meadows.
Preuves à l’appui, l’accusation s’attache à montrer que Donald Trump était conscient qu’il avait perdu l’élection et que les recours n’avaient pas de fondements légaux. Il avait notamment reproché à Mike Pence d’être « trop honnête » et tenté de lui faire croire que des « infractions électorales majeures » avaient été détectées par le ministère de la justice.
L’enquête a montré que lorsque M. Trump a échoué à persuader les responsables fédéraux à faire basculer frauduleusement l’élection en sa faveur, il a commencé, avec son équipe, à créer de fausses listes de grands électeurs dans certains Etats-clés, pour les imposer aux assemblées locales, avant transmission au Congrès pour certification. Ces certificats ont finalement été ignorés par les législateurs, mais si ce projet avait abouti, le républicain aurait pu conserver la Maison Blanche au détriment de Joe Biden.
L’accusation lui reproche aussi d’avoir « exploité » la violence et le chaos au Capitole dans l’après-midi du 6 janvier 2021 pour continuer d’essayer de convaincre les parlementaires de reporter la certification du vote de novembre 2020.
L’enquête sur le Capitole a déjà abouti à la poursuite pénale de près d’un millier d’émeutiers, et les premières condamnations ont été prononcées le 30 novembre 2022. Des membres des Oath Keepers, une milice d’extrême droite, ont été reconnus coupables de sédition.
Le recel de documents gouvernementaux classifiés à Mar-a-Lago
Procès reporté
En quittant la Maison Blanche, en janvier 2021, Donald Trump a emporté avec lui des cartons entiers de documents. Or, une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l’ensemble de ses courriels, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.
Le service des archives s’est aperçu, dès le printemps suivant, de l’absence de certains documents et a réclamé à M. Trump leur restitution. Une demande restée lettre morte jusqu’en janvier 2022, quand l’ex-président a finalement rendu quinze cartons. A la réception de ces cartons, contenant notamment 184 documents « classifiés », les archives nationales ont demandé au département de la justice américain d’ouvrir une enquête.
En mai 2022, le département de la justice a officiellement demandé la restitution de tous les documents gouvernementaux. Après plusieurs auditions de témoins, la police fédérale a estimé que l’ex-président en conservait probablement d’autres dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago (Floride).
Ses avocats ont alors remis, en juin 2022, un deuxième lot de documents au département de la justice, affirmant qu’il n’y en avait pas davantage. Mais des preuves obtenues par les enquêteurs fédéraux, notamment des images de vidéosurveillance de la villa, ont justifié une perquisition du domicile de M. Trump le 8 août 2022. Le FBI a alors mis la main sur trente-trois cartons supplémentaires, contenant plus de 11 000 documents gouvernementaux, dont 103 frappés du sceau de la confidentialité ; dix-huit étaient même classés « top secret ». Le mandat de perquisition évoquait alors une potentielle violation de la loi sur l’espionnage de 1917 − qui interdit toute collecte d’informations relevant de la sécurité nationale qui pourrait nuire aux Etats-Unis.
Selon le procureur spécial Jack Smith, chargé de l’instruction, des cartons ont été éparpillés à Mar-a-Lago dans différents endroits, notamment « une salle de bal, une salle de bains et douche, un espace de bureau, sa chambre et un espace de stockage ». Pour les enquêteurs de l’affaire Mar-a-Lago, l’obstruction est répétée et caractérisée, puisque M. Trump a suggéré à l’un de ses avocats de prétendre qu’il ne possédait pas les documents réclamés par les enquêteurs. Il est, en outre, reproché à M. Trump, ainsi qu’à deux de ses assistants (Walt Nauta et Carlos de Oliveira), d’avoir demandé à un employé de sa résidence de « supprimer des images de vidéosurveillance du Club de Mar-a-Lago pour éviter que ces images ne soient remises » à la justice.
Le 13 juin 2023, Donald Trump s’est présenté devant un juge de Miami (Floride) pour se voir notifier trente-sept chefs d’inculpation – dont la « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », l’« entrave à la justice » et le « faux témoignage » –, dont certains sont passibles de dix ou vingt ans de prison. C’était la première fois qu’un ancien président américain était inculpé au niveau fédéral. Trois nouveaux chefs d’accusation ont été ajoutés au dossier par la suite, pour la tentative d’effacement des images de vidéosurveillance. Le milliardaire a choisi de plaider non coupable.
La date du procès avait d’abord été fixée au 20 mai 2024, mais la juge l’a reporté en raison du grand nombre de recours de la défense. Il est désormais très peu probable qu’il ait lieu avant l’élection présidentielle, le 5 novembre.
La surévaluation de ses biens immobiliers
Condamné à payer 453,5 millions de dollars
L’ancien président américain a été condamné, le 16 février 2024, à une amende de près de 355 millions de dollars (329 millions d’euros) pour une série de fraudes financières au sein de son empire immobilier, la Trump Organization. Le juge a également interdit à l ’ancien président d’occuper tout poste de direction dans une entreprise new-yorkaise pendant trois ans. Au total, avec les intérêts, M. Trump a été condamné à payer 453,5 millions de dollars. Début avril, il a déposé une garantie de 175 millions de dollars devant la justice, évitant ainsi une saisie de son patrimoine.
Plus de quarante personnes, dont M. Trump et trois de ses enfants, ont été auditionnées lors de ce procès fleuve, d’octobre à décembre 2023. M. Trump et ses deux fils adultes, Donald Trump, Jr. et Eric Trump, étaient accusés d’avoir fait enfler de manière colossale durant les années 2010 la valeur des gratte-ciel, des hôtels de luxe et des golfs de la Trump Organization pour obtenir des prêts plus favorables de banques et de meilleures conditions d’assurance.
L’affaire avait éclaté à la suite du témoignage de Michael Cohen devant le Congrès en 2019. L’ancien avocat de M. Trump, condamné à une peine de trois ans de prison pour plusieurs cas de fraude entourant la campagne présidentielle de 2016, avait déclaré que son client mentait sur la valeur de ses immeubles. L’avocate générale de l’Etat de New York, Letitia James, avait alors ouvert une enquête.
Le triplex de Manhattan par exemple, qui, selon les comptes annuels de l’entreprise de M. Trump, s’étendait sur presque 3 000 mètres carrés, avait en réalité une surface trois fois moindre. « Sur la base de cette superficie gonflée, la valeur de l’appartement en 2015, en 2016, était de 327 millions de dollars, a expliqué Mme James. A ce jour, aucun appartement de la ville de New York n’a jamais été vendu pour un montant aussi élevé. »
La particularité de ce dossier est que le fond de l’affaire avait déjà été tranché. Deux semaines avant l’ouverture du procès, Arthur Engoron, le juge dans cette affaire, avait rendu un avis prenant acte que la fraude avait bel et bien eu lieu entre 2011 et 2021 et que l’ex-président des Etats-Unis pouvait en être tenu responsable. Le procès ne servait qu’à fixer les modalités de la condamnation.