Au Center Parcs des Hauts-de-Bruyères, en Sologne, toutes les petites maisons se ressemblent. Mais cette homogénéité n’est qu’apparente : depuis début 2024, certains de ces « cottages » ne sont plus gérés par Pierre & Vacances Center Parcs (PV-CP). Le groupe n’a pas renouvelé le contrat concernant cinquante hébergements, faute d’accord avec leurs propriétaires. Une situation inédite dans un Center Parcs, qui fait tâche dans un univers si intégré et homogène, et devient ainsi le symbole des difficultés qu’entretient le groupe avec les propriétaires de ses murs.
Réunis en association, ces propriétaires « dissidents » louent désormais leurs cottages sur la plate-forme Airbnb, avec l’aide d’une conciergerie. Forcément, cela fait désordre : ils se positionnent à des prix environ 30 % inférieurs à ceux pratiqués par Center Parcs sur son site officiel. Ils ont néanmoins des handicaps : ils ne peuvent pas utiliser le nom Center Parcs dans leur annonce, et leurs locataires doivent s’acquitter du prix d’entrée pour la piscine comme un visiteur extérieur (46 euros par adulte).
Sans la puissance de feu d’un gros groupe, ce pari de la location en direct, avec tous les frais annexes (les charges, le ménage, la conciergerie, les frais Airbnb…), n’a donc rien de gagné d’avance. « On vise un autre public, notamment celui des concours hippiques de La Motte-Beuvron [Loir-et-Cher], qui ne vient pas nécessairement pour la piscine, commente Lucie-Anne Pisias, conseillère bancaire, qui possède un cottage. On peut s’en sortir, mais cela va dépendre de la saison d’été, si notre offre réussit à prendre. » Et si d’autres propriétaires suivent leur voie.
Un pur placement
Pour comprendre comment Center Parcs en est arrivé là, il faut revenir à son modèle : celui-ci s’est bâti grâce à des individus qui achètent des cottages comme des produits d’investissement, en échange d’un loyer fixe payé par Pierre & Vacances et de gros avantages fiscaux. Les propriétaires ne s’y rendent jamais : il s’agit d’un pur placement. C’est le modèle de Pierre & Vacances, qui a permis l’émergence d’une certaine économie touristique à la française. A côté, des investisseurs institutionnels ont aussi acheté des cottages – c’est d’ailleurs, aujourd’hui, la voie de développement privilégiée.
Au début, pour Marie Liagre, tout s’est bien passé. Il y a dix ans, cette entrepreneuse lyonnaise a « topé » avec le conseiller du Crédit agricole qui lui avait présenté cette possibilité d’investissement, assortie d’un dispositif fiscal avantageux (dit « dispositif Censi-Bouvard »). Avec son mari, directeur commercial, ils empruntent 275 0000 euros pour acheter « sur plan » un cottage de 54 mètres carrés, dont ils ont remis les clés à PV-CP. Tous les trimestres, les loyers tombaient : « Une rentabilité à 4,5 % par an, c’était pas mal. » Et puis la période du Covid-19 est arrivée : PV-CP suspend les loyers pendant plusieurs mois. Tollé chez les propriétaires. Certains ont attaqué cette décision en justice, et obtenu réparation, au moins partielle : ce fut le cas pour Marie Liagre.
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