Engagé, cultivé, brillant et parfois cinglant polémiste, mais aussi courtois et très attentif derrière son regard bleu sémillant, Paul Chemetov, figure majeure de l’architecture et de l’urbanisme en France depuis plus de cinquante ans, est mort dimanche 16 juin à son domicile parisien. Il avait 95 ans.
L’homme qui, jusqu’à un temps récent, travaillait encore dans son agence, faisait figure de dernier géant de la cause sociale au service de l’architecture. Cette position a fait de lui une des figures les plus sollicitées lorsque le débat public s’engageait sur le devenir de la construction dans notre pays. Et notamment sur celui du logement – « l’exercice civique par excellence », lui rappelait l’ancien ministre de la culture et de la communication Jean-Jacques Aillagon, en lui remettant, en juin 2016, les insignes de commandeur de la Légion d’honneur.
A la même époque, la stratégie pour l’architecture mise en œuvre par le ministère de la culture pour accompagner le projet de loi pour la Liberté de création, l’architecture et le patrimoine lui avait donné l’occasion de poursuivre, à la tête du groupe de travail « Développer », une réflexion toujours très étayée sur les maux et les travers de notre monde bâti et ses conséquences sur la ville et ses usagers, l’une de ses principales préoccupations.
Paul Chemetov est né le 6 septembre 1928 dans le 16e arrondissement de Paris. Il est le fils d’un couple d’origine russe, Tamara Lvovna Blumine (1904-1985) et Alexandre Chemetoff (1898-1981), graphiste, typographe et illustrateur pour la jeunesse plus connu sous le nom de Chem. Son fils dira plus tard avoir été influencé par le célèbre ouvrage de son père Chacun sa maison (1933), un album-jeu toujours édité invitant les petits à associer, à partir d’images, des enfants du monde à leurs habitats respectifs. Les années de guerre sont marquées par l’exil de sa famille loin de Paris – sa mère est juive. Son père refusa de travailler dans les services de Vichy. De son propre aveu, cette attitude donna au garçon qu’il était alors « une leçon humaine, morale et politique ».
Friand d’histoire
En 1946, l’adolescent friand d’histoire qui se rêvait philosophe adhère au Parti communiste et entre à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Quelques années plus tôt, il avait été marqué par la lecture de Quand les cathédrales étaient blanches (1937) de Le Corbusier. « Ce premier contact m’avait convaincu qu’il n’y avait pas d’architecture possible sans la force de la conviction et de l’engagement », affirme-t-il à Pierre Lefèvre et Jimi Cheynut, auteurs du livre Parcours d’architectes (éd. Le Cavalier Bleu, 2012).
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