C’est une première victoire judiciaire pour l’association de lutte contre la corruption Anticor depuis la perte, en juin 2023, de son agrément, ce sésame qui lui permettait depuis 2015 d’agir efficacement en justice dans les affaires d’atteinte à la probité, notamment en cas d’inaction du parquet.
Saisi en urgence par l’association, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en formation collégiale de trois magistrats, a suspendu, vendredi 9 août, la décision implicite du gouvernement, en la personne du premier ministre, Gabriel Attal, le 26 juillet, de « refuser la délivrance de l’agrément sollicité par Anticor » en janvier.
Chargé du « dossier Anticor » en raison du déport du garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, M. Attal « est enjoint » par le juge des référés de « réexaminer la demande d’agrément de l’association Anticor, en tenant compte des motifs de la présente ordonnance, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance ».
Un désaveu pour le gouvernement
L’agrément dont bénéficiait Anticor lui avait été retiré à la suite d’un jugement du tribunal administratif, en juin 2023. La juridiction avait considéré que l’arrêté du gouvernement de 2021 – affirmant, à la suite de divergences internes dans la gouvernance d’Anticor, qu’il existait « un doute sur le caractère désintéressé et indépendant » de l’association – était entaché d’« une erreur de droit ».
Sollicité par Le Monde, le cabinet du premier ministre démissionnaire n’a pas donné suite à ce stade. M. Attal n’était pas représenté par le secrétariat général du gouvernement, le 7 août, lors de l’audience publique de référé devant le tribunal administratif.
« Le tribunal administratif décerne la médaille d’or de l’illégalité au gouvernement dans une décision sans équivoque », réagit Vincent Brengarth, l’avocat de l’association créée en 2002 et engagée à ce jour dans 148 procédures judiciaires, dont plusieurs dossiers sensibles pour l’exécutif, notamment celui en lien avec la mise en examen pour « prise illégale d’intérêts » du secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler. « L’injonction de procéder au réexamen ne peut conduire à une autre possibilité qu’à la délivrance de l’agrément, toutes les conditions étant réunies », poursuit-il.
L’ordonnance du juge des référés constitue un désaveu pour le gouvernement dans le cadre de cette saga politico-judiciaire à rallonge. S’il rappelle la chronologie des événements et décisions judiciaires depuis l’annulation de l’agrément, en juin 2023, avec effet rétroactif, par le tribunal administratif de Paris, le juge des référés estime que la requête de l’association est justifiée dans la mesure où « la décision attaquée porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à la situation de l’association requérante et à un intérêt public ». Ce qui « justifie d’une situation d’urgence ».
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