L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Présenté pour la première fois à la Berlinale en 2023, La Salle des profs, quatrième long-métrage du réalisateur allemand Ilker Çatak, concourt, dimanche 10 mars, à l’Oscar du meilleur film étranger, au côté de Perfect Days, de Wim Wenders, ou de La Zone d’intérêt, de Jonathan Glazer, deux cinéastes très en vue. Tourné en huis clos à Hambourg, ce thriller haletant interroge les dérives de la bien-pensance dans un collège dit « progressiste » où le personnel a surtout tendance à manquer de discernement.
Déterminé à dessiner les contours d’une société qui craint la nuance et tient peu compte des cas particuliers, La Salle des profs passe au crible les informations fallacieuses, la culture de l’annulation, l’emballement médiatique, les jugements approximatifs, la « moraline »… Tout cela produit un sentiment d’injustice et place le spectateur dans un état d’alerte permanent.
A la suite d’une série de vols dans un collège, la principale demande aux élèves d’ouvrir leur porte-monnaie. Ecœurée par cette méthode – plus insidieuse qu’une fouille en bonne et due forme – et les accusations portées à l’égard d’un élève d’origine turque, Carla Nowak (Leonie Benesch, actrice vue dans Le Ruban blanc, de Michael Haneke, et la série The Crown), professeure de mathématiques et d’éducation physique, laisse tourner la caméra de son ordinateur pour surprendre le coupable. Alors qu’elle essaie de faire au mieux pour ménager ce dernier, sa famille mais aussi les parents d’élèves se retournent contre elle.
Une société en miniature
A s’en tenir là, l’intrigue pourrait aisément se réduire au cas de conscience d’une enseignante idéaliste qui croit aux valeurs du dialogue et à la cohésion du groupe à la faveur de l’apprentissage des choses de la vie. Le film vise plus loin. Pris dans son ensemble, le collège évoque une société en miniature, avec ses organes de pouvoir politique et judiciaire, ses partis, ses médias (le journal du collège), ses communautés, ses générations…
Nowak se retrouve prise dans un entrelacs de chausse-trapes dont chaque issue de secours semble verrouillée à double tour. Dès lors, la mise en scène procède d’un face-à-face entre la professeure, dont les propos nuancés restent inaudibles par les tenants du politiquement correct, et le reste du collège, pris dans une transe inarrêtable qui le pousse à œuvrer sans réfléchir. Cette fable philosophique sur la pensée unique dit aussi beaucoup du racisme « ordinaire » envers les Polonais (Carla Nowak vient d’une famille polonaise de Westphalie, parle couramment l’anglais et le polonais…) en cours en Allemagne.
Il vous reste 17.32% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.