Sourire radieux, elle a entonné La Marseillaise avec le public du court Suzanne-Lenglen. Puis, debout face au micro, Varvara Gracheva, cheveux châtains et jupe bleue, a parlé, dans un français maîtrisé, mais c’est à peine si les spectateurs pouvaient entendre sa voix. Jusqu’aux tribunes sont juste parvenues quelques bribes audibles : « Je suis heureuse », « C’est tellement un honneur d’être ici avec vous », « magnifique » et « merci ».
La 88e joueuse mondiale à l’allure sage n’est pas vraiment du genre exubérant. Mais voilà la Française, au terme d’une victoire solide et appliquée (7-5, 6-3) face à la Roumaine Irina-Camelia Begu, samedi 1er juin, qualifiée pour les huitièmes de finale. Une première pour elle, à 23 ans, dernière représentante tricolore porte d’Auteuil.
Décidément, ce Roland-Garros pluvieux offre aux Français, en cette fin de première semaine, quelques clins d’œil malicieux. En l’espace de quelques heures, le court Suzanne-Lenglen vient de sacrer des porte-drapeaux plutôt inattendus. Vendredi, au terme d’une soirée de liesse, l’élu s’appelait Corentin Moutet, un gamin de Neuilly-sur-Seine, ex-pestiféré de la Fédération française de tennis pour ses sautes d’humeur. Samedi, c’est donc au tour d’une jeune femme née à Moscou en 2000, installée en France à la fin de l’adolescence, puis naturalisée à l’été 2023, d’incarner les derniers espoirs tricolores dans le tableau féminin. Deux outsiders aux profils opposés, et deux bouffées d’air bienvenues pour un tennis français souffreteux.
Ceux qui connaissent bien « Varya », diminutif de Varvara, louent son état d’esprit. Croisé après le match dans les couloirs du stade, son entraîneur, Sliman Taghzouit, salue « une grande travailleuse, une fille généreuse aussi, dans l’effort ou en dehors ». Il lui en a fallu du travail et de la sueur pour remonter la pente, après un trou d’air qui l’a vu dégringoler de la 39e place, en janvier, au 100e rang mondial, début avril, minée par les contre-performances.
« Du sérieux en étant simple »
Sliman Taghzouit décrit une joueuse à la tête froide : « On a pu le voir aujourd’hui, c’est une fille qui arrive à rester calme, bien qu’elle soit sous pression. C’est quand même un grand court. Je crois que c’est la première fois qu’elle joue sur le Lenglen. On peut féliciter ses capacités de gestion des émotions, de la pression, et une volonté de bien faire, que ce soit à l’entraînement ou [en match]. »
A quelques mètres de lui, Julien Benneteau, capitaine de l’équipe de France féminine, évoque une jeune femme « hyperpositive et respectueuse », qu’il a déjà sélectionnée en Billie Jean King Cup, à l’automne 2023. Il voit en elle une possibilité d’apporter au tennis féminin français « du sérieux en étant simple, de la compétitivité et de l’émulation, avec un état d’esprit sain et bon pour l’équipe ». Avec cette déjà belle performance et sa remontée attendue au classement, la joueuse devrait faire partie de la délégation française envoyée aux JO cet été. Par décision du Comité international olympique, ses anciens compatriotes participeront, eux, sous le statut d’athlète individuel neutre.
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